capitaine56 Toujours près de la mer, 24/11/15, 19:50 |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX (Articles) |
Suite du premier chapitre. ![]() Louis Fontaine, Montre triple date et chronographe à quartz (Prop. Robert Fontaine) ![]() - Ah ! Je voulais toucher une clientèle plus haut de gamme (il rit). Bien sûr, tout en utilisant des composants identiques à ceux employés par Pirofa. - Il me semble bien que cette méthode n'est pas inconnue des plus grandes manufactures et des plus grands groupes... - Sans aucun doute ! C' est la base même du commerce. Il faut savoir donner envie aux gens et leur proposer un produit « d'élite » ou original. Ou encore suivre les événements ! Montre à quartz pour jeune fille, habillage tissu (prop. R. Fontaine) ![]() Montre-bracelet à quartz, bicentenaire de la Révolution (propriété R. Fontaine) ![]() Bref, tout va bien mais, en 1997, mon épouse et moi, nous estimons que l'heure est venue de passer la main. - A vos enfants ? - Non, pas du tout! Ils ont fait la carrière de leur choix. Mon oncle Jean, lui, avait continué son métier d'horloger et avait envoyé ses fils dans des écoles spécialisées : l'aîné à Cluze, le second à Rennes. Mes enfants ont suivi d'autres voies. Le premier septembre 1997, nous avons vendu la « boutique » à Monsieur Pacory. Nous avions alors écoulé plus de deux millions de montres, peut-être deux millions et demi. - Vous n'avez pas conservé de chiffre précis ? - Hélas non. - Même pas quelques objets? - Pfft... Si peu de choses ! Quelques montres, quelques papiers. Trois fois rien et (ajoute-t-il en plaisantant) si vous me demandez d'aller farfouiller dans mon grenier, je m'y refuse absolument. Trop fatigant ! - Bon, mais promettez-moi de me laisser photographier les montres et ce que vous détenez encore. - D'accord. » Parole tenue ! A mon second passage, un Robert Fontaine tout sourire m'attendait avec une pile de papiers et de prospectus afin de me les prêter. Nous avons sorti d'une boîte quelques montres que je me suis empressé de photographier à la fin de notre entretien. « Cher Monsieur Fontaine, je crois que nous avons fait le tour de votre carrière. J'en retiens deux éléments assez particuliers : d'abord, bien qu'horloger, vous n'avez jamais fabriqué vous-même la moindre montre. - Exact. Mais, je vous le répète, nous savions choisir les mouvements que nous souhaitions faire monter et jamais nous n'avons acheté n’importe quoi ! Nous utilisions le plus souvent des mouvements relativement simples, aussi faciles que possible à entretenir et à réparer par les détaillants eux-mêmes. De ce fait, nous avions très peu de retours et un pourcentage de satisfaction élevé. D'où la fidélité de nos acheteurs. Jamais non plus nous n'avons prétendu être fabricant ! Voyez les en-têtes de notre papier à lettre : il est bien écrit montre Pirofa, « ébauche française », « ébauche suisse », fabriquées à Villiers le Lac. ![]() - Le second point, c'est que vous avez su prendre le virage du quartz. - Comme je vous l'ai déjà dit, cette nouveauté nous a tout de suite attirés et nous avons vite compris qu'il fallait s'adapter. Bien sûr, vous le savez, nous avons continué à vendre des montres mécaniques, mais le quartz emportait tout. Il est certain que l'entreprise n'aurait pas survécu sans cette adaptation. - Ainsi qu' Arvor, votre concurrent local ? - Oui, peut-être. Je ne sais pas trop... Monsieur Ducoudray a pourtant vendu des montres à quartz, mais trop tard. Plus âgé que nous, il était en fin de carrière. - Et votre acheteur, Monsieur Pacory, que lui est-il advenu ? - Lui, c'est autre chose. Il n'avait peut-être pas saisi que dans notre profession le contact direct entre le grossiste que nous étions et les revendeurs auprès de qui nous écoulions notre marchandise était indispensable. Nous, nous visitions régulièrement nos clients et ces visites étaient primordiales. ![]() - En outre, vous leur laissiez quelques « gadgets » en souvenir ! J'ai trouvé cet outil sur Internet : ![]() - Nous participions également aux salons locaux et entre deux passages, nous maintenions le contact par courrier : ![]() ![]() - La concurrence était rude et personne ne faisait de cadeau à personne. Je me souviens de Monsieur Pineau, à Niort, de Monsieur Dutrain, à Toulouse et de ses montres Aurore, de Monsieur Plantade, à Toulouse également, qui distribuait Pax, Yéma et Sandoz. Il y avait à Bordeaux les établissements Boullanger, avec les montres Anjax et Comodhor ! Tous des grossistes ! Monsieur Pacory a cessé de démarcher les horlogers dans leurs magasins et a entrepris de les suivre à distance, au téléphone ou je ne sais comment. Cela ne pouvait pas marcher...Il a revendu ce qui restait à céder à Cédric Epenoy à Morteau. Cédric Epenoy a quitté l'entreprise qui porte son nom, mais je crois bien que celle-ci existe toujours. Elle ne vend plus de Pirofa, tout en étant encore propriétaire du nom. Qui sait ? Un jour peut-être.... » Épilogue. Nous voici au bout de cette enquête. Pirofa, une marque ? Certes oui, mais surtout une belle saga familiale, où arrière-grands-parents, grands-parents, parents, oncles, tantes, cousins, frères, épouses ont tous eu leur mot à dire dans le domaine de l'horlogerie. Aujourd'hui, Robert Fontaine et son épouse coulent une paisible retraite dans leur belle maison, entourés de leurs enfants et petits-enfants. ![]() Ils reçoivent régulièrement la visite de Jeanne, la sœur aînée et celle de leur belle-sœur Marie-France. L'aventure Pirofa et le monde horloger, pour Robert, c'est terminé, au point qu'il ne porte de montre que lorsqu'il part en voyage ; et vous savez quoi ? « Lorsque je pars en voyage, s'amuse-t-il, j'emmène toujours une montre mécanique et pas à quartz. Parce qu'une mécanique, il suffit de la remonter, alors que si l'on tombe en panne de pile au bout du monde, quoi qu'on fasse, on n'a plus d'heure. » CQFD. Et avant de conclure, regardez-donc une grosse bêtise d'un goût plus que douteux proposée sur un site de vente américain sous la mention German Nazi military watch : ![]() Ainsi les SS portaient des montres Pirofa à une époque où la marque n'existait pas, avec des calibres antichoc, quand ce dispositif n'avait pas été inventé. Il y a vraiment des crétins qui osent tout ! Heureusement, Pirofa n'y est pour rien. Et Robert Fontaine a pris bien garde à ce que j'écrivais ! La preuve : Le censeur (que je remercie très vivement) à l’œuvre ! ![]() --- |
rocalin![]() 24/11/15, 22:09 @ capitaine56 |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
Merci Capitaine! --- |
capitaine56 Toujours près de la mer, 24/11/15, 23:15 @ rocalin |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
Très cher ami, --- |
Canard Sauvage![]() Au cœur des Alpes, 24/11/15, 22:16 @ capitaine56 |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
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Mnementh Autan en emporte le vent, 24/11/15, 23:17 @ capitaine56 |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
Eh ! C'est bien sympa --- |
louiset 24/11/15, 23:46 @ Mnementh |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
» Eh ! C'est bien sympa |
jmj![]() 25/11/15, 09:11 @ louiset |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
Merci beaucoup Capitaine pour ces récits qui font découvrir des mondes horlogers méconnus, et pourtant deux millions de montres distribuées ce n'est pas rien, et les hommes qui y ont été associés. |
Stoukboy![]() ![]() 25/11/15, 09:23 @ capitaine56 |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
Cher Capitaine, --- |
Alecsendri![]() 27/11/15, 14:31 @ Stoukboy |
Naissance et vie d'une marque: Pirofa. Chapitre DEUX |
J'adore ces histoires de petites marques qui font la grande histoire de l'horlogerie, et le coté Humain que notre ami sais y mettre. |