Je sais : il est inélégant de parler de plaqué or pour une montre mécanique de nos jours.

L’expression est en soi inévitablement associée à la montre bon marché, à la montre cheap, celle que l’on porte un certain temps et dont on change sans même se souvenir qu’on l’a un jour porté.

Bref, la montre sans valeur par excellence.

Et pourtant.

Il m’a toujours semblé important de tordre le cou aux idées reçues.

Aussi, j’aimerai vous parler d'une montre que j'apprécie beaucoup et qui, bien qu'elle soit en plaqué or, témoigne du faste et de la qualité de toute une époque.

Il s’agit d’une BWC de la fin des années 50.

Oui, une vieille dame en plaqué or. Mais de celles qui font vaciller mon cœur :



Oui, je sais, de prime abord, en regardant cette BWC, on se dit qu’elle a une drôle de tête : un verre bien rayé et une aiguille des secondes qui a disparu.





Mais pour moins d’une vingtaine d’Euros, je n'allais quand même pas faire la fine bouche !

Pour commencer, un rappel historique simple: BWC signifie Buttes Watch Co.



Il s’agit à l’origine d’une petite société créée en 1924 par Arthur Charlet.

La marque, qui utilise également d’autres noms commerciaux comme Butex ou But, propose alors des montres au design original et équipées de calibres fournis par des tiers.



Son nom vient de l'endroit où l’entreprise est installée : Buttes, une petite localité située dans le canton de Neuchâtel.

La marque dispose de ses propres ateliers d’assemblage.

BWC se fournit régulièrement chez ETA et A. Schild pour les mouvements automatique ou manuel et chez Valjoux ou encore Landeron pour les chronographes.

Donc, à l’intérieur, c’est du 100% pur suisse : un ETA 2390.



Ce mouvement manuel, sorti en 1957, va être la base mécanique sur laquelle le célèbre fabricant d’ébauches développera toute sa ligne de mécanismes automatiques.

Celle-ci se perpétue aujourd’hui encore avec l’ETA 2824 dont le 2390 est le lointain ancêtre.



La montre n’a pas beaucoup été révisée. Le mouvement est sale et les huiles ont d’ailleurs gommé. Il va falloir nettoyer tout ça !



Démontage du cadran et du mouvement.



Le mouvement côté face, après enlèvement du cadran et de l’aiguillage.



Chaque pièce fait l’objet d’un nettoyage manuel poussé avant que l’ensemble (sauf ressort, balancier et ancre) ne parte en machine pour un nettoyage en profondeur.



Puis vient après le long travail de lubrification et de remontage.

Ici, uniquement le balancier monté. Il dispose de grosses masselottes qui permettent de l’équilibrer en rognant ces dernières. Sur les balanciers plus haut de gamme de l’époque, les masselottes pouvaient se dévisser pour leur ajouter des lamelles qui les allégeaient ou les alourdissaient selon les besoins.



Ici avec le train d’engrenage assemblé. Les dents présentent la fameuse micro-denture ETA dont le profil favorise une meilleure transmission mécanique. Oui, déjà en 1957.



Le calibre intégralement assemblé.

L’œil non exercé ne s’en aperçoit pas, mais les finitions décoratives des platines et des composants sont relativement soignées et typiques de cette qualité de l’après-guerre qui disparaîtra dans les années 70.



D’ailleurs, cette mécanique cause pour elle-même, et le fait est que je n’ai eu à changer aucun composant… Tout fonctionne parfaitement avec un lourd et puissant tic-tac dont mon oreille ne se lasse pas…



Un régal que ces fréquences basses à 18 000 alternances par heure…




Après un changement de glace et l'ajout d'une aiguille des secondes ainsi que d'un bracelet en lézard, je l’enfile au poignet…

J’adore ce visage simple, rayonnant, et ce bombé à fier allure.

Et le style du boîtier, typique du milieu des années 50 alors que la montre date vraisemblablement d'autour de 1957-1959.



Idem pour le plaquage d’or qui n’a pas bougé d’un iota malgré ses 50 ans allègrement passés…

De la belle horlogerie, de la belle qualité.

Et le charme du temps figé... Tout ce que j'aime.

Merci de votre lecture,

amicalement,

Servatempus

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Le renversement est le mouvement du Tao, la faiblesse sa modalité.