Treguet? (Compte-rendus rencontres)

posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 04/09/20, 12:18

Tréguet ?

Franchement, pour un parisien, parcourir 380 kilomètres à vol de pigeon pour venir à Férel, faut avoir envie.

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Mais qui peut avoir envie de venir à Férel, voilà la question, parce qu’est-ce qu’il y a à voir ou à faire à Férel, je vous le demande ? Certes, Férel est situé en Bretagne qui, comme chacun sait, est tout simplement le plus beau pays du monde, mais quand même, à Férel, il n’y a rien.
Et bien si.

Vous suggérerez qu’il y a le port et le barrage d’Arzal sur la Vilaine, le seul fleuve au monde qui ne mérite pas son nom, à deux kilomètres à vol de goéland ?
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Non.

Vous me direz qu’il y a le site de la Roche Bernard à cinq kilomètres à vol de mouette ?
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Non.

Le parc naturel des marais de Brière à dix kilomètres à vol de canard ?
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Non.

Guérande et ses remparts qui ne manquent pas de sel, à dix huit kilomètres à vol d’aigrette ?
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Non.

Et pourtant, pourtant, à Férel, il y a quelque chose. Parfaitement. Ou plutôt, quelqu’un.

Quelqu’un qui aime le calme, la tranquillité, le silence de la campagne, comme un autre que vous connaissez tous, un dénommé Coyon, dit Loupe à l’œil, qui est allé faire de l’horlogerie loin du pays des horlogers, sous les pins maritimes, à Cap Breton, un coin où il n’y a ni Cap, ni Breton, ce qui est fort regrettable mais bon et dont on aimerait bien avoir des nouvelles mais ceci est une autre histoire.

Voilà, on y arrive !

A Férel, il y a un lieu-dit qui se nomme Tréguet. Parfaitement. D’où le titre. Et si vous arrivez à dénicher Tréguet, et bien vous n’aurez pas perdu votre temps, ce qui est normal puisque vous arrivez chez un horloger.

C’est un Normand, c’est son droit, né il y aura quarante ans en novembre à Lisieux, la ville de Sainte Thérèse, mais qui n’y est pas resté. Je ne parle pas de la petite Sainte, je parle de notre héros. Non, il est parti à Bordeaux, où il a passé son CAP d’horlogerie au lycée professionnel Marcel Dassault. Et c’est là que commence l’aventure que je souhaite vous conter.

Voici donc notre Normand, Simon Lefrançois pour l’état-civil, nanti de son beau diplôme, parti pour le long voyage qui l’amènera un jour à...à ? Tréguet. Tréguet en Férel ! Faut suivre un peu, là, parce qu’on va se promener pas mal.

On passe brièvement par Saint Mars de Locquenay, dans la Sarthe, cinq cent seize habitants et un horloger, on descend près de Cahors, chez Pierre Ferraris pour un stage, on remonte vers l’est, à Sainte Croix, dans le canton de Vaud, chez nos voisins Suisses pour un long séjour de dix sept années dans le pays des Helvètes. Long, mais fructueux.

A partir de l’âge de vingt ans, notre Lefrançois Normand travaille dans l’entreprise Janvier S.A. pendant plus d’un an. De là, il va pérégriner d’horlogeries en manufactures et quelles ! Dans l’ordre chronologique :

-Patek Philippe
-F.P. Journe
-Vacheron & Constantin
-Greubel Forsey
-Omega

-Et retour chez Vacheron & Constantin, où, pendant plus de quatre ans, il restaure et répare des montres du XIXème et du début du XXème siècle, ainsi que les machines et les outils anciens nécessaires à ces travaux.
On a vu pire comme circuit…

Fin juin 2017, l’heure est venue, décide notre brave Simon, de voler de ses propres ailes, mais pas n’importe comment. Ses trucs à lui, outre les complications aussi simples que les répétitions des quarts et des minutes, les quantièmes perpétuels, les tourbillons, les rattrapantes et autres bidouilles que des esprits pervers se sont échinés à nous concocter quand une seule aiguille suffirait à nous donner l’heure, ce sont les restaurations de montres anciennes. Pour donner à sa passion le loisir de s’exprimer pleinement, il faut réunir pas mal de conditions.

En premier lieu, l’outillage ad hoc. Notre Lefrançois a procédé à la recherche, l’acquisition et la remise en état de tous les outils nécessaires à son art, ainsi qu’il le faisait chez Vacheron et Constantin. Vous avez bien lu : remise en état de tous ses outils. Le propre du véritable artisan n’est-il pas de savoir réparer, voire fabriquer, ses outils quand le besoin s’en fait sentir ? Voilà une démarche qui fait penser à celle d’un grandissime horloger indépendant suisse bien connu : Philippe Dufour.


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ecce homo


En second lieu, un endroit où œuvrer en paix, loin du monde et du bruit. Et pour être loin du monde et du bruit, quoi de mieux que Tréguet, en Férel, dans le Morbihan, au fond de la Bretagne ?

C’est là que par chance et sur les indications d’un honorable horloger de la région qui ne veut plus, dixit, « s’em… à réparer des montres », que je fais la connaissance de notre presque ermite, au sein de son atelier, au milieu de ses vénérables machines avec lesquelles il s’amuse à tourner, fraiser, pivoter, pointer, sertir, réparer, restaurer, ressusciter montres de gousset et de col, montres bracelets, chronographes, chronomètres et autres indicateurs du temps qui passe.

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Tour


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Burin fixe


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Compas aux engrenages


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Tournage d’un axe


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Fraisage d’une aiguille des heures


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Pivotage


Comme il est sympa, ouvert au dialogue, curieux de tout ce qui touche à son art et qu’il lui arrive de servir un café tout à fait convenable dans son atelier propre comme un calibre neuf, il ne refusera pas de vous fixer rendez-vous pour ausculter votre Nautilus, votre calibre 1518, votre oignon du XVIIIème siècle ou tout simplement votre Oméga 30T2, parce qu’il ne snobe pas la montre à pas cher qui vous tient à cœur.

Je le sais, j’ai essayé !

Ma Terrot et Thuillier de 1743,
avant…
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Pendant…
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Après.
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Cherchez les différences…

P.S. Il ne s’agit pas, de ma part, d’une tentative intéressée pour concurrencer quelques hommes de l’art bien connus qui nous font l’honneur de leur présence sur nos fora favoris et pour dévoyer leur clientèle mais d’un simple reportage. Les esprits éclairés l’auront bien compris.

Je remercie Simon Lefrançois de m’avoir ouvert la porte de son atelier et de m’avoir fourni les photographies qui illustrent ce document.

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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man, Nato
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