L'Esprit - Horloge de Genève - épisode 1 (Général)

posté par Philémon , 12/02/20, 16:27
(Modifié par Philémon le 12/02/20, 16:33)

Salut les P’tits Gars,

Bon, ça bouge à Genève.

Vous vous rappelez que d’habitude, je parle de Christophe et Emile, Christophe Golay et Emile Spierer de Golay Spierer, alias GS.

Ben là, ça va changer un peu; je m’en vais vous causer de Jean-Pierre et Emile. L’Emile, c’est toujours le même mais le Jean-Pierre, il est nouveau bien que ce soit plutôt un ancien et qu’il n’est pas vraiment nouveau dans la boucle.

Et Christophe ? Je vous rassure; il est toujours là. Il signe de nouveaux projets et reste dans l'ADN de la réflexion, parfois sur une autre planète mais c'est ce qui fait tout son charme.

Il a un bon pedigree le Jean-Pierre, faut le reconnaître. Il a dirigé l’école d’horlogerie de Genève, le bureau genevois du COSC, le poinçon de Genève et a présidé l’association internationale de normalisation horlogère. A vrai dire, du pedigree, il s’en fout un peu et n’a pas les chevilles qui enflent mais c’est moi qui vous l’dit pour que vous continuiez, continuyez, continuiller, bref, que vous vous arrêtez pas au début de l’histoire.

Surtout que l’histoire, elle remonte loin, à l’époque des dinosaures de Chronomania. C’était en 2003 et GS avait organisé un week-end horloger à Genève.

Le lien de la nostalgie: http://chronomania.free.fr/Articles/GeneveGolaySpiererKfir/Geneve/Geneve-kfir.html

Vous trouverez en fin de cet article chronomaniaque une photo de Jean-Pierre Curchod et Marcel Golay.

Ah Marcel Golay (pas de la même famille que Christophe), j’en profite pour rappeler que ce dernier était un personnage exceptionnel, ancien directeur de l’observatoire astronomique de Genève, cofondateur de l’Agence spatiale européenne, précurseur des méthodes collaboratives pour le développement d’expériences scientifiques, le professeur Marcel Golay a mené son institut au premier plan mondial et, décédé en 2015, n’a malheureusement pas pu voir son élève et poulain Michel Mayor se voir attribuer le Nobel de physique en 2019. Marcel est aussi l'un des derniers à avoir synchronisé les horloges de laboratoire à la lunette astronomique.

https://www.unige.ch/sciences/astro/fr/services/historique/marcel-golay/

En complément à la bio ci-dessus et pour le plaisir de l'anecdote, permettez à Philémon de relater un de ses beaux coups. Marcel, constatant que l'observatoire du centre-ville n'avait aucun avenir en raison de la pollution atmosphérique, a monté le projet d'un nouvel observatoire mieux placé. Il est venu devant le Conseil d'Etat (nom du Conseil des ministres à Genève) avec un projet optimisé et calculé au mètre près situé dans les bois de Sauvergny, à cheval entre l'Etat de Vaud et celui de Genève (la Suisse est une Confédération d'Etats indépendants). Quoi ? à cheval sur la frontière ? Il semblerait que ça ait un peu foutu le boxon dans la République mais il a insisté sur la précision de ses calculs et il l'a emporté. Plus tard, lorsqu'il racontait l'histoire le sourire aux lèvres, il a précisé que son véritable calcul était d'obliger les scientifiques de l'université de Genève à travailler avec les Ingénieurs de l'école polytechnique de Lausanne car nous sommes en 1960, époque où chacun développait encore en secret son truc dans son coin. Ce fut la première victoire d'une longue série.

Bon, je reviens à notre sujet. Lors de ce week-end horloger, nous avions visité le COSC-Genève, présenté par Jean-Pierre qui le dirigeait et que L’Emile vousouvoyait encore. Dans cet impressionnant laboratoire qui voit passer chaque année des dizaines de milliers de mouvements pour subir chacun plusieurs jours d’épreuves, le groupe fasciné suivait les explications du Jean-Pierre. Mais l’Emile, comme toujours dissipé, errait dans un coin où trônait un mouvement d’horloge de tour, âgé de plusieurs siècles.

Jean-Pierre se tourne vers Emile, interrompt sa présentation et dit « en fait, les mouvements qui font moins d’un mètre cube ne m’intéressent pas ». Vous vous rendez compte ? Au milieu du COSC, il a dit ça le Jean-Pierre ! Un ange passe mais comme déjà on avait pas le droit de prendre les photos au COSC, y'a pas de preuve.

C’est à cet instant de l’histoire que je vous raconte qu’est né l’histoire que j’ai pas encore commencé à vous raconter; celle de l'horloge qu'ils ont appelé Esprit - Horloge de Genève, il y a 17 ans (mais qu'ils appellent Horloge de Genève au quotidien).

Je sais pas si vous croyez plutôt au destin ou plutôt au hasard mais sachez que moi aussi. Lisez la suite. Voilà que quelques mois plus tard, le fils d’Emile rencontre la fille de Jean-Pierre autour de la passion du violon sans savoir que les parents se connaissent (et habitent à 25 km l’un de l’autre). L’été 2004, les deux familles passent leurs vacances ensemble et Jean-Pierre lâche une deuxième bombe au milieu d’un repas « ça fait quatre siècles que les horlogers cherchent à améliorer le rendement du système d’échappement et ils n’ont toujours pas dépassé 35%. ». Puis il ajoute en regardant l’Emile droit dans les yeux: « de toutes façons, le progrès ne peut pas venir d’un horloger formaté aux anciennes méthodes, ça doit venir d’un ingénieur ingénieux libre qui n’a pas étudié l’horlogerie; toi par exemple ».

L’Emile a perdu le sommeil deux semaines et est revenu de vacances avec les cernes pire que quand il y est allé.

Le mètre cube et le défi de l’échappement à haut rendement sont les deux mamelles qui ont nourri le projet de l’Horloge de Genève, alias HdG.
Le cahier des charges est assez simple. Si l’Emile et le Jean-Pierre réussissent, un horloger esthète qui voit l’horloge à 20 mètres doit exprimer un «wouaouh !», à 2 mètres, il doit remettre la sauce par un «wouaouh !» et encore une fois à 20 centimètres: «wouaouh !». Simple, non ? En fait, je me demande avec ma perspicacité habituelle si c'était pas aussi le cahier des charges des inventeurs d'Internet. Ok, les visions à 20m, 2m ou 20cm, on s'en browse mais le wouaouh wouaouh wouaouh; c'est la bonne adresse.

[image]
Jean-Pierre et Emile explorent la maîtrise des frottements aérodynamiques avec un balancier sous vide (pression: un millionième d'atmosphère)

[image] En plus, ils veulent que l’HdG n’ait besoin que d’un petit entretien tous les dix ans et qu’on la remonte à cette occasion. Ce qui ressort de tout ça, c'est qu'il faut mettre 10 ans dans un ressort… Donc faut que ça consomme peu d’énergie parce que 10 ans, c’est presque 100’000 heures ou plus de 30 millions de secondes. Leur objectif est une horloge à moins de 10 microWatts, 10 millionièmes de Watt, soit environ … pas beaucoup.

A côté de ça, ils m’ont dit avec un humour tout british que le problème est de concevoir une horloge imperturbable. Elle ne doit pas se laisser influencer par la température, l’humidité, la pression atmosphérique, le champ magnétique, les courants d’air, l'humour chronomaniaque, la tension du ressort, le couple non constant à cause des dentures d’engrenages, les lubrifiants qui vieillissent et je sais plus quoi d’autre mais il y en a d’autres. Imperturbable, c'est leur leitmotiv ! Et Jean-Pierre d'ajouter: je ne veux pas corriger les défauts, je veux les éliminer à la source.

Et le tout, il doit être Toto-proof, Conchita-proof et Papy-proof comme ils disent.
Toto, c’est le gamin pas sage qui arrive avec un tournevis pour apprendre la mécanique… comme nous il y a quelques années. Sauf que dans un gros ressort armé pour faire marcher une horloge d’un mètre cube pendant 10 ans, y’a à peu près la même énergie que dans une grenade. Toto, il peut faire du dégât ! Et le Jean-Pierre, il a pas envie d'expliquer aux parents de Toto que s'ils l'ont retrouvé décapité par un ressort avec un barillet en travers des gencives et un tournevis à la main, c'est parce que c'est un sale morveux, ce gamin.
Conchita, c’est l’adorable aide de ménage, dans la famille depuis 24 ans, qui veut que ça brille. Le spray de détergent et les fibres de chiffons ne font pas bon ménage avec une horloge qui ne dispose que de 10 microWatts pour fonctionner et craint les attaques de la chimie et du temps.
• Et Papy qui fume la pipe avec les condensats de fumée, bien collants, qui petit à petit se déposent partout. Va falloir prendre des précautions.

Quoi d’autre ?

Ben c’est Chronomania qu’a la primeur. Et c'est moi, Philémon, qui a l’honneur de vous raconter ce que je comprends si je ne me fais pas virer, vu que j’ai l’interdiction de parler de la Germaine en même temps que de l’Horloge de Genève et qu'elle risque de pas aimer.

Et les solutions techniques: hum, ce sera dévoilé dans d’autres posts au furet amusé (tiens, je sais pas comment on l'écrit ce truc-là) …

Faut réduire les frottements donc les éviter. Faut réduire les arrêts et redémarrages à chaque tic et à chaque tac, donc imaginer un échappement qui emmagasine l’énergie d'arrêt et la restitue sans en perdre et réduire les frottements de glissement au niveau de palettes. Allez, je craque, quelle est la solution que les deux compères ont testée pour de vrai en vraie grandeur et que c'est qu'elle fonctionne ? Imaginez que les palettes, elles sont remplacées par un champ magnétique répulsif qui assure le stockage et la restitution de l’énergie d’arrêt et permet un glissement sans pertes par frottement. J’espère que vous avez compris parce que je suis incapable de vous expliquer mieux !!!

Y’a aussi l’esthétique de l’horloge. Vous voyez comment c'est une comtoise ? Ben, ça n’a rien à voir. On est au pays du Gruyère et d'internet (d'où le « wouaouh, wouaouh, wouaouh », si vous suiviez un peu mieux, vous auriez pas oublié), alors ça s’inspire plutôt d'un rack informatique sur lequel on empile des meules de fromage, mais sans l’odeur. Et dans chaque meule, il y a une fonction.

Ben voilà, si tout va bien, ça va continuer. Mais à rythme lent et sur une base irrégulomadère. Il y devrait y avoir une ou deux fois par année, un post sur l'avancement du projet.


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léo, EB
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