Pontiac (Articles)

posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 04/09/17, 13:28

Tout commence en Amérique du Nord aux alentours de l'année 1720, Philippe d'Orléans étant Régent du Royaume de France.

A cette époque, naît dans le peuple Ottawa (ou «Outaouais») un futur grand chef indien dont le nom est encore vénéré aujourd'hui.

Environ deux ans plus tard, Louis le quinzième, dit «le Bien Aimé» est sacré Roi et le demeurera jusqu’en 1774.

Quelques années passent et ce cher Louis accumule les bêtises: il laisse les Anglois lui marcher sur les pieds au Canada («quelques arpents de terre», dixit Voltaire), l'enquiquiner en Nouvelle France (qui s'étend de la Louisiane actuelle jusqu'à la région des Grand Lacs, et se fait tailler des croupières lors de la Guerre de Sept Ans. Cette défaite entraînera, entre autres, la perte de l'essentiel de la Nouvelle France, à l'exclusion de la Louisianne.

Pendant ce temps, notre chef indien soutient une politique de fidélité à la France. Il a réuni autour de lui un grand nombre de peuples indiens et mène la vie dure aux Anglais. Hélas, la défaite finale des Français entraîne aussi la sienne. Il doit signer en 1765 un traité avec l'ennemi et reprendre ses activités de chasseur, trappeur et négociant en fourrures. C'est à l'occasion d'une opération de troc, en 1769, qu'il est assassiné par un certain Pihi, vendu aux Anglais. Les français l'enterreront en grande pompe et lui rendront les honneurs militaires

Ce chef se nommait Pontiac.

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Si grand était son renom qu'en 1906, dans des USA pas particulièrement "indianophiles", on voit apparaître un véhicule automobile fabriqué par la marque Oakland, véhicule qui prend le nom de Pontiac.

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Oakland ayant été rapidement absorbé par General Motors, Pontiac végète peu ou prou jusqu'en 1925, année pendant laquelle GM lui donne un nouvel élan. La marque perdurera jusqu'au début des année 2000, avant de disparaître définitivement des catalogues GM en 2009. Un modèle «de référence, emblématique et à l'ADN intemporel» (c'est dingue, cette formule s'applique à tout) émerge largement au dessus du lot: la Pontiac GTO qui fut le premier des «muscle cars» aux USA.

Recette du «Muscle Car»: prenez le châssis et la carrosserie du plus petit modèle de votre gamme.

-Épluchez soigneusement tous les organes superflus.

-Ôtez délicatement la mécanique.

-Greffez sous le capot le plus gros moteur en votre possession, par exemple un V8 de 421 C.I. (6,9 litres)

-Selon les goûts, renforcez quelque peu la suspension et les freins.

-Ne tenez aucun compte de la tenue de route: l'engin doit aller à peu-près droit, point.

-Gavez largement d'essence.

-Servez chaud.

C'est tonique!

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Pontiac GTO 1963


Pendant toute leur histoire, les automobiles Pontiac ont arboré sur leur capot des emblèmes au portrait du Grand Chef, jusqu'à ce qu'un règlement interdise ceux-ci en raison du danger qu'ils pouvaient représenter en heurtant un piéton.

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En 1931, à l'issue d'un voyage aux États Unis, un certain Ali Kinsbergen, utilise à son tour la marque Pontiac pour lancer une collection de montres. D'où lui vient cette idée?

Certainement pas de l'affirmation que vous pouvez lire ci-dessous, émanant de son petit-fils:

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Si Ali Kinsbergen a «rencontré» Pontiac, c'est qu'il était en contact direct avec l'Au-Delà! Peut-être aussi a-t-il été inspiré par une horloge de ce type?

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Non. La vérité est autre. Elle vient de la légende qui entoure notre Grand Chef. On dit que sa connaissance des étoiles était telle qu'il pouvait connaître l'heure en contemplant le ciel. C'est beau, hein?

Notons au passage qu'en langue outaouaise le nom de Pontiac est «Obwandiyag» ce qui n'est pas très porteur en matière d'appellation commerciale...

Donc «Pontiac» donnera l'heure.

Mais qui est cet Ali Kinsbergen?

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ecce homo


Comme son prénom ne l'indique pas de prime abord, il est Néerlandais, natif d'Amsterdam et a vu le jour le 24 juin 1901. Selon les sources, il serait l'aîné de neuf ou dix frères et sœurs. A ce stade, on n'est plus à un près...d'autant que ces sources sont erronées! En réalité, les archives de l'état-civil d'Amsterdam ne signalent que deux frères, Lion, son aîné, et Mozes son cadet.

Tous trois, ils se lancent dans la fabrication et la diffusion des montres «Pontiac».

Celles-ci sont assemblées à Bienne et reçoivent des mouvements suisses et français. Elles sont d'abord vendues aux Pays Bas, en Belgique et au Luxembourg. Elles recevront plus tard un assez bon accueil en France, en Italie et même en Allemagne, mais leur terre de prédilection restera le Benelux.

Il y eut également des Pontiac écoulées en Indonésie, alors colonie hollandaise, par l'un des frères installé à Jakarta, où la plus grande partie de la famille s'était réfugiée lors de l'invasion allemande de 1939 pour fuir les persécutions antisémites. Les parents, Manus et Grietje, demeurés à Amsterdam, furent déportés à Auschwitz et n'en revinrent pas. La filiale indonésienne fermera ses portes en 1955, dix ans après l'indépendance et alors que les relations entre les Pays-Bas et l'ancienne colonie sont au plus bas.

Dès 1946, Ali relance l'activité de son entreprise. Après la disparition de ses frères, il reste seul à la tête de «Ali Kinsberger S.A.» dont le siège social est établi à Bruxelles.

En fouillant dans les sites horlogers francophones et anglophones, on peut lire un tas d'affirmations parfois contradictoires sur les montres Pontiac. Tentons de séparer le bon grain de l'ivraie et de ne conserver que ce qui semble sûr.

D'abord, ce qui est faux:

-Contrairement à certaines affirmations, il n'y eut jamais de fabrication de Pontiac à Gand ni en tout autre endroit en Belgique. La plupart des montres anciennes porte la mention «Swiss» ou «made in Swiss». Pour autant, il ne s'agit pas d'une marque suisse stricto sensu, car le siège de l'entreprise est bien en Belgique.

-Les étoiles sur les cadrans indiquent la qualité du calibre de la montre. C'est du bidon!

On trouve d'excellentes montres SANS étoile:

ci-dessous, calibre Vénus 170 à roue à colonne

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D'autres en arbore une, deux ou trois:

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Peut-être s'agit-il d'un artifice pour flatter l'acheteur? Peut-être est-ce une façon d'évoquer les étoiles que consultait le Chef Indien? Peut-être s'agit-il d'entretenir une confusion avec les étoiles du Cetehor de Besançon?


Ce qui est vrai:


-L'idée première des frères Kinsbergen est de vendre des montres de moyenne gamme dont la qualité essentielle doit être la robustesse.
C'est dans le but d'apporter la preuve de la solidité exceptionnelle des dites montres que se déroule en 1935, devant une assemblée de journalistes et d'huissiers de justice, une expérience pour le moins osée:

Du sommet de l'immeuble le plus élevé de Belgique, le Boerentoren à Anvers, Ali jette une montre. Récupérée cent mètres plus bas, dit-on alors, elle fonctionne toujours! Pas mal, à une époque où l'antichoc et l'incabloc n'existent pas.

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En réalité, l'immeuble ne mesure que 87 mètres, ce qui change tout, évidemment!

Qui est prêt à me confier sa Rolex Batman ou son Omega Snoopy pour renouveler l'expérience?

A la suite de ce succès, la marque est lancée. Après la guerre, Ali Kinsbergen cherche un support publicitaire pour mieux faire connaître ses montres. Il en fait «la montre des sportifs». Pour cela, la marque s'appuie sur les courses cyclistes dans lesquels les Néerlandais et les Belges brillent particulièrement.

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Coup de bol (pour Pontiac hein, pas pour lui !) le coureur Néerlandais Wim van Est prend une grosse gamelle dans le tour de France 1951 alors qu'il vient d'endosser la veille et pour la première fois le maillot jaune. Il dégringole sur plus de 70 mètres.

Il a quelques bobos et doit être remonté à l'aide d'une corde et d'une chambre à air (je suis sérieux). Heureusement, sa Pontiac n'a rien. C'est de la bonne pub, ça!

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On prête au malheureux van Est la phrase:

«J'ai fait une chute de 70 mètres, mon cœur s'est arrêté de battre, mais ma Pontiac marchait toujours.»

On ignore si Ali Kinsbergen lui a offert cette montre, mais il n'a pas oublié de sortir un modèle spécial: la Pontiac «Maillot jaune», qui restera au catalogue pendant des années sous différentes présentations.

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Dans la foulée, un Belge étant devenu champion du monde, il y eut la «maillot arc en ciel»

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Notez au passage que les Pontiac n'affiche pas sur leur cadran les mots «antichoc» ou «incabloc» mais la mention «support choc».

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Outre la gloire des rois de la petite reine, Pontiac exploite aussi celle des champions du ballon rond:

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L'équipe nationale belge, «les diables rouges» n'est pas oubliée, bien entendu:

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Grâce à cette carte postale, on découvre qu'il existait même un «Grand Prix» des montres Pontiac:

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1958: exposition universelle à Bruxelles. Kinsbergen réédite l'expérience de 1935. Cette fois, c'est du sommet de l’Atomium, culminant à 102 mètres, que l'on jette deux montres.

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Bien entendu, celles-ci se tirent indemnes de l'épreuve! Pontiac ne fait pas «crac» mais toujours «Tic-tac».

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Toute cette publicité ainsi que, il ne faut pas le négliger, la robustesse réelle des montres font que la marque devient leader du marché au Benelux et représente jusqu'à 50% des ventes dans ces pays. Rien d'étonnant donc que la télévision néerlandaise lui fasse l'honneur de la première publicité sur les petits écrans en 1964.

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Le 9 janvier 1969, Ali décède subitement à Bruxelles. Sa fille Johanna prend la direction de l'entreprise. Pendant quelques années, le succès ne se dément pas. Le fils de Joanna, Alain de Nys, affirme qu'en 1977 il s'écoulait plus de 220 000 montres.

Il n'empêche. Comme partout, le quartz l'emporte. Pontiac décline. Joanna Kinsbergen lance une nouvelle marque: JK. Errare humanum est. Oublions.

En 1980, Pontiac disparaît.

La marque passe en 1994 entre les mains d'un autre groupe: TWC Tapernoux dont le siège social est à Lasne, 456 chaussée de Louvain.Nouvel échec.

Après la liquidation de cette société, Le nom Pontiac devient en 2008 la propriété de Chrono Euro Diffusion entreprise de distribution qui conserve la même adresse de siège social.

Le siège social!

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En septembre 2014, au salon Orologio de Bruxelles, Pontiac effectue son retour en proposant une gamme de montres embarquant des mouvements suisses Ronda, le plus souvent à quartz, et affiche sans complexe sur le modèle «haut de gamme» la mention «Made in Belgium.»

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N'étant pas d'un naturel contrariant, laissons courrir, mais il serait intéressant que l'on donne l'adresse de l'usine d'assemblage dans le Plat Pays...

Résumons plutôt l'historique de la marque:

-Grâce à une excellente politique commerciale et publicitaire, Pontiac a su se faire un nom dans l'industrie horlogère dans les années 1930/1970.

-Le choix de mouvement embarqués ( AS, France Ébauche, Landeron, Valjoux, Vénus) assurait aux acheteurs la garantie d'une grande robustesse à des prix contenus.

La gamme Pontiac «moderne» bénéficierait, dixit la pub, d'un «design belge intemporel avec une touche de modernité» et est un «must have dans le business de la montre de qualité»...



S'ils le disent...

pour appuyer ces affirmations, on n'hésite pas à reprendre les vieilles «réclames» (qui prouvent en passant que la marque automobile n'a rien à voir avec les montres)

Hier:

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Aujourd'hui:

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Sachant que les tarifs, à une exception près (le modèle Thirty One qui reçoit un Valjoux 7750), s'échelonnent d'environ 150 à 400 euros (avant négociation...) ne soyons pas trop exigeants. Les mêmes mouvements Ronda sont montés dans des montres parfois plus coûteuses et par forcément plus belles. Certes, les noms racoleurs à consonance «British» (Westminster, Brighton, Oxford, Liverpool) prêteraient à sourire, surtout en plein Brexit, mais bon.

Aujourd'hui, on trouve des Pontiac anciennes aux noms également assez fantaisistes (Plongeur, Hydraulica, Palmarès, Sympatica, Supporter, Mousquetaire, Gulfstream Bilomatic, voire Superski, ce qui visiblement vise une marque concurente, et autres) à des prix ridiculement bas, ce qui peut faire le bonheur de collectionneurs aux moyens modestes.

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Gulfstream Bilomatic (Que veut dire Bilomatic?)


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Prize Winner Super


Pour les fanas de détails, notons en passant que le logo des montres Pontiac, aujourd'hui, se présente sobrement ainsi :

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Depuis les années 40, il arborait un P surmontant les autres lettres :

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Ce qui me permet cette Pirouette pour revenir à l'automobile:

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Je sais, je suis incorrigible.

Pour conclure, espérons qu'un folie spéculative ne saisisse pas le petit monde de l'horlogerie vintage en Belgique. On risquerait alors de voir les prix de certains modèles s'envoler sans trop de raison, comme c'est le cas aujourd'hui pour, disons au hasard, Yéma ou LIP qui, en leur temps, exploitaient à peu près le même créneau que la marque belgo-néerlando-suissesse.

Merci d'être venu jusqu'au bout de ce long post dont j'espère qu'il n'est pas bourré d'erreurs et de fakes et merci aux forums et sites que j'ai allègrement pompés:

Catawini, Chrono 24, Chronollection, Chronomania, Delcampe, eBay, FAM, Google, Horlogerie Suisse, la cote des montres, MBA, Mygenealogie, Pontiac Watch et d'autres que j'ai pu oublier.

Kenavo.

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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