Record (Articles)

posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 17/02/16, 19:56

Il y a d'étranges cartes postales.

»

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Celle-ci représente, dit-on la manufacture Record en 1897. Admettons, mais parvenir à photographier avant leur construction les locaux d'une marque qui ne sera fondée qu'en 1903, c'est mieux que « retour vers
le futur », non ?

Certes,en 1897, le projet existe, mais n'est même pas encore sur plans. Le bâtiment sera construit par le Conseil Communal de Tramelan, à ses frais, pour y loger, en décembre 1902, une fabrique d'horlogerie. Après quoi, il n'y a plus qu'à vendre le bazar à des acheteurs bien nantis en bonne monnaie sonnante et trébuchante et à recommencer un peu plus loin. Ça, c'est du bizeness ! Et ça marche !

La preuve, le 25 mai 1903, des horlogers s'associent et créent une
entreprise qui s'appelle Record Watch Co
S.A.
Son siège social est dans cette belle cité de Tramelan, foyer d'un nombre incroyable de marques. Le président du conseil d'administration de la cette manufacture est Ariste Chatelain.

Un personnage, ce Chatelain ! Né en 1843, il cumule une foule d'activités. Voici ce que la lecture de sa
biographie dans le « Dictionnaire du Jura » nous apprend :

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Voilà une vie bien remplie, n'est-ce pas ?

Et ce n'est pas tout ! Ariste est aussi horloger, et un bon, ainsi que nous l'apprennent ces entrefilets et cette publicité :

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Oublions l'enseignant, le conseiller paroissien, le pompier, le fourrier, le juge ou le banquier et intéressons-nous au Président de la Record Watch Co S.A. Le projet de cette entreprise est de fabriquer et de vendre cet objet particulièrement original :

La Record «  Sector »
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Est-elle inspirée par ce brevet de l'Italien Giovanni Sgherlino du 9 avril 1903 ? Probablement.
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Ce qui est sûr, c'est que l'idée est bonne. On fabrique aussi le boîtier, orné de décors variés, comme le fait sur toute montre de gousset.

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Comme prévu par le Conseil Communal, les fondateurs de Record Watch ne
tardent pas à envisager l'achat du local. Marché conclu le 2 février 1908.
Illico, la société agrandit les lieux. Il faut dire que la Sector a rencontré un vif succès jusqu'en 1908, grâce à
l'originalité de son mouvement:
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Et à debonnes campagnes de publicité
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Merci à un grand collectionneur de pubs
.

Après quoi, on passe à autre chose. Dès 1906, on fournie des
montres pour hommes et femmes, à l'aide d'un outillage de pointe et de
machines permettant la fabrication en grande série. On sort surtout de la
montre de gousset :

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Gousset calibre 38
C
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En 1915, tandis que l'Europe ne songe qu'à s'étriper, nos amis de la Record Watch Co S.A. ne songent qu'à s’agrandir. Le "Dictionnaire du Jura" nous apprend que :

La société est refondée, ou plutôt intègre une société holding la
« Record Dreadnought Watch Co » au capital-action de 1,5 millions de francs. Il s'agit en fait de la réunion de la « Record Watch Co » avec
trois autres entreprises, « Z. Perrenoud & Co » de la Chaux-de-Fonds, « Chatelain Léal & Co » (Londres, société de vente)
et « Stabilis » de la Chaux-de-Fonds. 

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Record Dreadnought Co S.A. emboîtée par Dennison à Londres


Dans le respect de la plus stricte neutralité helvétique, on livre des montres aux belligérants de « l'Entente Cordiale » comme à ceux de « la
Triple Alliance ».

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Etonnante montre militaire de 1914


L'entreprise tourne à plein régime, au point qu'à la fin de la guerre, on
double la surface de production. Lisons la même source, ce bon "Dictionnaire du Jura" :

« En 1920, Beaulieu Watch(Genève) s'ajoute à la société et
Record Meret(Tramelan-Dessus) en 1923 »

C'est compliqué ? Oui, d'autant que les marques déposées par la holding se sont multipliées. Au total, au cours de l'existence de Record Dreadnought Watch Co S.A., ce sont 42 marques qui auront été déposées, débaptisées, rebaptisées, liquidées, réanimées entre 1916 et 1928, soit pour distribuer de nouveaux produits, soit pour occuper le terrain.

En outre, pour brouiller encore un peu plus les cartes, Record Meretquitte le groupe en 1924 après une année de collaboration, tandis que Record Dreadnought va s'installer à Genève, et que Stabilis demeure à la Chaux-de-Fonds. Vous suivez ?

Sachez encore que de 1903 à 1959, Record Watch S.A., de son côté, a déposé 41 marques de A.B.C.(1910) jusqu'à Record Wecker Werk A.G.(1903) en passant par Anémone (1914) Albion (1924) Bolide(1907), Rotor(1909) entre autres, sans oublier, bien sûr, la marque des débuts Sector Watch.
On trouve selon les époques des...

Record :

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Record « art déco » 1930


Des Record Watch Co :

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Record Watch Co automatique 1952


des Record Genève :

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Chronographe Record Genève années 1940


Et des Record Watch & Co Genève :

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Chronographe calibre Venus roue à colonne 


Pour tout simplifier, vous rajoutez quelques sous-marques à la destinée
plus ou moins obscure, ce qui ne nous éclaire pas:

Aramis

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(chronographe, mono-poussoir calibre Landeron)


Comex

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(calibre Landeron 50)


Hercules

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Lohengrin

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Maestria

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Odar

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Rivera

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Datofix calibre 107


Smilor

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Sachant que Jean d’Ève a sorti une « Sectora » dans les
années 1980,
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Ne confondant pas la « Rivera » de Record avec la Riviera »
de Baume et Mercier,

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Rivera Record Watch



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Riviera Baume et Mercier


Voyant bien que la « Comex »

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n'a rien de commun avec la « Comex » de chez Rolex,

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Sachant de surcroît qu'il existe aujourd'hui une marque « Sector »
qui propose un modèle « Overland » qui est le nom d'une marque
déposée par Record dreadnought Co S.A. Le 15 septembre 1917,

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N'ignorant pas que le modèle « Hercules » est proposé par
Breitling,

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N'omettant pas que le groupe Record a enregistré les marques
Adamastor, Big Gun, Cometa, Durac, Ensign, Fox, Gyrotor, Intermarco,
Lakeside, Meret, Navy, Observa, Perflex, PZ, Reblis,
j'en passe et des pires,

N'oubliant pas que les emboîtages ont pu être réalisés par Dennison en Grande Bretagne, par Ball aux États-Unis,

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Ou d'autres :

Banner Watch Co
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Kingston Watch Co
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A tout ce fourbi, on ajoute quelques logos :
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Sans oublier que la marque RECORD a été aussi déposée par
Movado à la Chaux-de-fonds le 15 juillet 1896 puis le 27 juillet
1903, avec ce logo :
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Par Lancaster Watch aux États-Unis en 1877,


Par Friedrich Speidel en Allemagne le 18 novembre 1903...
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Par Franz Weisshaa, à Weigheim en Allemagne et par des tas d'autres gens...

Pouvez-vous me passer de l'aspirine, s'il vous plait? Merci! C'est que
j'ai un de ces mal de crânes, moi!


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BON ! Ça suffit ! On va te baptiser tout ça Record et ça va bien,
hein ?

Hop ! Revenons à la fin de la Première Guerre Mondiale. Comme je l'aidit,
Record s'est fait plein de sous avec ses montres de gousset et ses
montres-bracelets militaires. On recrute encore

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On double la superficie de production. On exporte vers les États-Unis et la Grande-Bretagne, pays où l'on vend des montres à boîtiers en or bas-titre (neuf carats), nantis de calibres à quinze rubis (en raison des
taxes aux USA)

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Pour les pauvres, il y a de l'acier :

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Record watch Co 1920, calibre 106


La production de montres de gousset se poursuit, accompagnée de montres
pour dames :
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et de montres pour hommes :
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Montre en or 18 carats, calibre de forme 114


On diversifie encore: montres de bureau, de voyage, chronographes, montres d'automobiles. Aux USA, les montres Record sont homologuées en tant que régulateurs pour les chemins de fer.

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Montre d'automobile


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Montre de bureau ou de voyage (Drouot)


A peine le temps de respirer, voici qu'arrive la seconde guerre mondiale.

Respectant sa juteuse politique de neutralité, le groupe livre les belligérants des deux bords. Les affaires sont les affaires et l'argent n'a pas d'odeur.

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Record militaire britannique, calibre 022 K

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Record militaire allemande, calibre 022 K


Cette politique est payante. Les agrandissements se poursuivent, les
calibres et les modèles se multiplient. Histoire de mettre un peu de
fantaisie, les instances dirigeantes décident à nouveau de changer de nom:

Adieu « Dreadnought » et son logo

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Rebonjour Record Watch Co et son nouveau symbole:

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Et puis tiens, tant qu'on y est, la Record Watch Co quitte le
groupe. Il est vrai qu'elle a sorti un modèle phare, dont elle est, à juste titre, très fière : le Datofix.

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Bien sûr, il n'est pas question de se contenter d'une culture mono-modèle,
mais enfin, à côté de ceci :

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Record or 9 carats 1952, calibre 107


Ou à côté de cela, qui n'est pourtant pas de la petite bière :

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Record watch Co, calibre à marteau 171, 20 rubis


Comparativement à cette montre pour dame, qui, derrière un boîtier très
années cinquante, cache un calibre qui ne manque pas de qualités :

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Record pour dame, or 18 carats, calibre de forme, 17
rubis


Et face encore à cette montre-réveil qui n'est pas si mal fichue :

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Montre alarme, calibre mécanique, 17 rubis, 3 ajustements


On a ça :

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Triple date, phases de lune, calibre Valjoux, dit « DATOFIX »

YES!

En gens bien élevés, on n'a pas oublié les dames, qui ont droit également à leur nouveauté :

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Record Datofix pour dame, calibre 72C


OUI ! JE SAIS ! C'est écrit HISLON ! On ne va pas encore se
prendre la tête avec les sous-marques du groupe, hein ?

Comme la maison est sûre d'elle et est assise sur un joli trésor de guerre, elle décide d'axer sa publicité sur ces « Datofix »

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Ce n'est pas une bonne idée, car les autres modèles vont en pâtir, bien
qu'ils ne manquent pas de qualités. En 1952, par exemple, un calibre à
rotor plutôt intéressant a vu le jour :

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Ce calibre prenant la succession du mouvement à marteau 171 vu plus haut

La Datofix n'a pas non plus que des qualités. Certaines versions sont
nanties de cadrans auxiliaires placés trop près du centre, ce qui rend la
lecture difficile.

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Datofix 1948, calibre 107


Plus grave, Record Watch ne dispose plus de chronographes « maison » et doit donc se fournir auprès de petits camarades pas forcement bien intentionnés. Il est bien loin, le temps où Record Watch Co concevait ses propres calibres et cela a un coût. La manufacture décline lentement, sous l’œil avide de certains concurrents.

Parmi eux, un certain Frédéric Ahles.

Frédéric Ahles est né en 1914, à Neuchâtel. Ce n'est pas un horloger, mais
un spécialiste de la comptabilité et de la fiscalité. C'est en tant que
contrôleur fiscal qu'il se trouve en contact, en 1942, avec la manufacture
Longines qui le recrute et où il va faire toute sa carrière. En
» 1959, il est nommé au conseil d'administration; il va diriger la reprise de Record par son entreprise. Il ne lorgne pas sur la gamme de produits et la Datofix le laisse froid. Ce qui l'intéresse, c'est l'outil de production.
En 1961, la proie tombe dans ses filets. Longines reprend Record et en fait une de ses filiales. Certes, le nom va survivre encore quelques temps, mais ce n'est là qu'un artifice commercial.

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Longines Record automatique, calibre ETA



Record vivote , en proposant une gamme sans intérêt notoire, jusqu'en 1973.

La marque s'appelle alors Record Watch et Cie. Longines lui porte un coup fatal en cessant de s'approvisionner en mouvements pour donner la
préférence à Ébauches S.A. qui vient d'être intégrée.

Ci-dessous, quelques montres « Record » des années 1970, calibres
divers

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sans commentaire...

Tant bien que mal, une petite production va se poursuivre à Tramelan, puis
à Saint-Imier. En 1983, c'est la fin. Record, qui n'est plus depuis 1975 une manufacture, disparaît du paysage horloger. Les bâtiments sont transformés en lofts, ce qu'ils sont toujours aujourd'hui.

Oublié le temps des calibres haut de gamme !
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Aujourd’hui, à l'exception de rares Sector et de belles Datofix, les
Record sont délaissées, voire ignorées par les collectionneurs.faire revivre la marque? Le groupe Swatch ne semble pas y songer. Le nom, sans
doute, n'est pas porteur d'une image suffisante.

Quant à moi, j'ai toujours un faible pour cette petite marque. Il faut dire que ce fut ma première montre, celle de ma première Communion. Et ça ne date pas d'hier !

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Record Genève « sport » calibre 107
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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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