Le BDP étude horlogo-ethnologique. C'est très long tans pis (Articles)

posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 17/01/15, 19:23
(Modifié par capitaine56 le 17/01/15, 19:38)

Nul n'ignore que Paris est la capitale de la France et Lyon la capitale des Gaules. A l'ouest de la France existe un vieux pays qui se nomme la Bretagne. Rennes et Nantes sont les deux capitales de la Bretagne, bien que Nantes n'y soit plus. En Bretagne, veux-je dire, mais cela ne saurait durer. Ne souhaitant pas ouvrir un débat qui risquerait de tourner au pugilat, je me contenterai d'une brève présentation de cette lointaine, pauvre, rugueuse mais belle et noble nation.

La Bretagne est majoritairement habitée par des Bretons souvent issus de Celtes, peuple indo-européen venu du sud-ouest de l'actuelle Allemagne repoussé sur les rivages occidentaux de l'Europe par les invasions Germaines puis Romaines.

On y trouve aussi, essentiellement l'été, des peuples migrateurs, affectueusement surnommés par les habitants de l'île de Groix « Doryphores », venus de pays étrangers tels que le Bassin Parisien, la Hollande, la Belgique ou la Germanie. Les habitants de Groix étant eux-mêmes nommés Groisillons, Grésillons ou Grecs, il y a de quoi y perdre son latin. La migration des Doryphores est un phénomène fascinant que tout anthropologue un peu sérieux doit observer au moins deux fois dans sa vie : début juillet (aller) ou fin août (retour)

Les Celtes de Bretagne, dont vous savez maintenant qu'ils se nomment Bretons, sont de taille plutôt petite, bruns de poils et de peau, ont le regard clair, parfois embué dans les secteurs où fleurissent les bistrots et sont dans l'ensemble d'une assez grande robustesse. Généralement frugaux, ils souffrent dit-on, surtout dans les zones où poussent les troquets, d'une certaine intempérance. La présence quais-permanente, en particulier à marée haute, tout au long de leurs côtes, d'une assez vaste étendue d'eau hélas salée, appelée au nord la Manche et au sud l'océan Atlantique, justifie sans aucun doute, par un phénomène de rejet parfaitement justifié, leur propension à s'intéresser aux boissons revigorantes donc alcoolisées.

Malgré ce léger travers, le Breton est naturellement accueillant, particulièrement vis à vis de ceux qui savent l'inviter à déguster une chopine au bar du port, normalement intelligent, point trop farouche et s'exprime soit en français, ce qui facilite le dialogue avec les étrangers venus d'au-delà des frontières de l'Est, délimitées par une ligne allant de Fougères à Clisson, soit en breton, langue gaélique,ce qui facilite le dialogue avec les Écossais, les Gallois et les Irlandais qui ne sont pas des étrangers mais des cousins celtes.

La Bretagne se divise, grosso modo, en deux régions : la côte (Ar mor) et l’intérieur (Ar goat), ou encore en deux régions : la bretonnante (Breiz) et la francisante (Gallo). Le Gallo est au Bretonnant ce que le Belge est au Français. Attention ! Le Gallo déteste que l'on se paie sa tête, surtout si l'on est Bretonnant. Je suis Gallo.

La Bretagne se divise aussi en neuf Évêchés, dont certains sont Gallos, d'autres Bretonnants, ce qui permet de penser que les Bretons sont essentiellement chrétiens, facilitant ainsi le contact avec certains étrangers tels que les Normands ou les Vendéens.

La Bretagne se divise aussi en départements qui s'entendent plutôt bien surtout pour dire du mal des habitants des départements voisins. Chaque département est muni d'une Préfecture, ce qui est bien pratique pour se donner rendez-vous entre Bretons pour manifester. Le Breton adore manifester. Il manifeste ainsi son unité en brandissant des Gwen a Du, en se coiffant de bonnets rouges et en buvant des coups après en avoir échangés avec les forces de l'ordre.

La Bretagne se divise aussi en villes, villages et bourgades qui s'entendent plutôt bien, à cela près qu'il est préférable d’éviter de dire à un Malouin qu'il a une tête de Brestois ou à un Quimpérois qu'il ressemble à un Léonard.

La Bretagne se divise aussi en deux millions huit cent mille Bretons vivant au pays et deux fois plus de Bretons expatriés qui sont tous d'accord pour dire que la Bretagne est modestement le plus beau pays du monde. Le Breton n'étant guère plus susceptible que le Corse accepte volontiers de débattre de ce sujet avec n'importe quel étranger, à condition que celui-ci soit de son avis.

La Bretagne jouit d'un climat remarquable, il n'est donc pas nécessaire de s'étendre sur le sujet.

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Seuls quelques esprits chagrins se munissent d'un imperméable avant de venir en Bretagne, ce qui est ridicule. Les Bretons disposent sur place d'excellents cirés de fabrication locale dont l'étanchéité n'est plus à démontrer. Par ailleurs, il y a belle lurette qu'on ne porte plus de sabots en Bretagne. La botte en caoutchouc présente un bien meilleur rapport qualité-prix. On voit souvent, sur les côtes, des gens en maillots de bain. Il y en a même qui se baignent. Ce sont des Doryphores. Le Breton ne va jamais dans l'eau. Il va sur l'eau, essentiellement dans des bateaux de pêche.

A propos de pêche, il est bon de parler un moment de l'agriculture bretonne. Outre l'exploitation raisonnée du Doryphore, la Bretagne cultive la mer (Ar mor) d'où elle tire des poissons et la terre (Ar goat) d'où elle tire des choux et des artichauts. Les poissons, les choux et les artichauts sont destinés à être vendus aux Français, ce qui est utopique, mais le Breton a toujours été un rêveur, ou à être jetés à la tête des C.R.S., devant la Préfecture, ce qui est quotidiennement réalisable, car le Breton est parfois vindicatif et revendicatif.

Ce qui reste des choux et des artichauts après chaque manifestation est destiné à nourrir des porcs qui sont invendables, surtout aux Arabes. Ce qui reste des poissons après chaque mouvement revendicatif est destiné à nourrir des poulets qui sont invendables, sauf aux Arabes. Le reste des porcs et des poulets invendus sert à nourrir les Doryphores.

En dehors des choux et des artichauts, poussent en Bretagne une grande variété de plantes : le varech, qui permet de fabriquer des produits de beauté pour les étrangers, le sarrasin, qui permet de fabriquer des galettes, le blé qui permet de fabriquer des crêpes et le granit qui permet de fabriquer des pavés à destination des C.R.S..

A propos de granit, il faut signaler que la présence de cet élément, éminemment solide, à côté de l'eau de mer, éminemment liquide, a donné naissance à un fils décapode de couleur bleue à grosse pinces communément appelé homard.

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Le même mariage entre la mer et le rocher a donné le jour à une fille bivalve lamellibranche prénommée huître.

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Ces deux enfants de la Bretagne lui assurent, avec la vente des cirés et des bottes en caoutchouc, un revenu non négligeable.

Il faut savoir aussi que les bandes du marquis de Pont Calleck ne hantent plus les sous-bois et que Georges Cadoudal a, hélas, perdu la tête en 1804 à Paris. En conséquence, les routes bretonnes sont plutôt sûres, sauf pour les Anglais qui s'obstinent à rouler du mauvais côté de la route.

Ce long discours m'a donné soif, aussi je vous invite à m'offrir un ou deux godets au Bistrot du Port.

Amis et néanmoins lecteurs, connaissez-vous le Bistrot du Port ? Qu'il s'appelle le "Bar du Quai", le "Café de la Marine", "l'Escale", voire même "A la bolée", le Bistrot du Port, ou BDP, est toujours construit selon le même plan. Depuis peu, on trouve de ci de là des « Ginette's Bar » ou des « Popaul's Club », mais c'est de la frime pour piéger le Doryphore. La vérité est à l'intérieur.

Une fois grimpées les deux marches inégales du seuil, on pénètre dans une pénombre brune où l'on se heurte à un mur d'effluves qui oblige le nouveau venu à marquer un temps et à prendre son souffle. Ce bref instant lui permet d'accoutumer son regard à l'absence de lumière et de découvrir quatre tables en bois, une onzaine de chaises dont quatre en paille remontant aux années trente et les sept autres à différentes époques post-quarante-cinquardes. Trois d'entre elles sont occupées : l'une par un chat qui ne daigne pas ouvrir un œil, les deux autres par une paire d'inscrits maritimes à la retraite, cotes bleues, sabots de bois et casquettes qui s'expliquent de part et d'autre d'une des tables avec un duo de chopines de gwin ru en provenance de différents pays de la Communauté Européenne, 12°5 garantis.

A gauche de l'entrée, le bar. Zinc homologué, modèle 1897 modifié 29 avec rebord anti-chute de verres et de débris de casse-croûtes, flanqué d'un seul tabouret d'ailleurs bancal, de surcroît occupé en permanence par le pochetron de service, le béret de guingois et la fraise nasale reposant sur un bol de faïence de Quimper d'où s'échappe un délicat parfum de lambic.

A droite du bar, une porte entrebâillée donne sur des arrières obscurs. Dès l'entrée, l'usage veut que l'on pousse un retentissant « bonjour ! » destiné à faire bouger une oreille du chat et à obtenir deux grognements en provenance de sous les casquettes. Le pochetron, lui, n'est plus en état de se manifester depuis quelques années. Le but ultime du cri « bonjour !» est de déclencher un « voilà-voilà-voilà-j'arrive » jailli des arrières obscurs. Arrive alors d'un pas traînant la tenancière naturellement obèse et boiteuse à la suite de manipulations étylo-génétiques renouvelées sur des générations de cousinage. Elles se glisse derrière son autel :
« Qu'est-ce que ça sera ?
-Deux muscadets !
Cette réponse qui révèle les hommes de goût incite le pochetron à soulever une paupière sur un œil jaune veiné de rouge et détend l'atmosphère du côté des cotes bleues. Le chat baille et se rendort rassuré : nous sommes entre civilisés. L'hôtesse plonge avec un souffle de baleine derrière son comptoir et remonte à la surface chargée d'une bouteille à demi entamée et de deux verres à pied modèle « faux-cul ». La brave femme s'applique à remplir les godets en arrosant son bar d'une main tremblante puis, la mission accomplie, s'empresse de se verser une bonne ration de Dubonnet tiède dans son verre personnel en sentinelle sur le bar.
« Yec'hed mat !
-A votre santé !

A tout hasard, la pendule sonne onze heures et nous amène tout de go dans le vif du sujet. Car sur le mur, derrière le bar, au dessus d'une glace ternie et tavelée de chiures de mouches, il y a une pendule. Et quelle pendule !

Petit cours d'histoire : autrefois, lorsque le BDP faisait encore usage d'habitation-épicerie-confiserie-mercerie-marchand de sabots, comme ceci:

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hier quoi, on y trouvait, face à l'entrée, ceci :

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Horloge bretonne pur jus, fabriquée à Guémené sur Scorff


Vinrent les brocanteurs qui, au prix de deux ou trois Dubonnet, remplacèrent la grande horloge par un carillon Westminster du plus bel effet.

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Arrivèrent alors les représentants de commerce en spiritueux et breuvages divers qui, au prix d'une ou deux bouteilles de Saint Raphael, embarquèrent le Westminster et mirent en place le fleuron de tous les BDP :

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Cherchez donc aujourd'hui une horloge bretonne dans les BDP ! Elles sont toutes dans les crêperies parisiennes qui les ont achetées à prix d'or. Voici donc un petit florilège de quelques pendules de bistrot qui, soyez-en certains, se vendront un jour au prix d'une Deepsea voire d'une Comex « full set » (vieille légende bretonne)

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J'ai gardé celle-ci pour la bonne bouche:

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Il ne faut oublier ni les alcools revigorants:

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Ni les boissons pour dames

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ni les bières bonnes à toutes heures:

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Lorsque la terrible épidémie du petit jaune atteignit nos contrées non immunisées, les porteurs du mal eurent tôt fait de virer les vieilles pendules d'apéritifs vineux par des réclames anisées:

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Une pièce rarissime, introuvable en Bretagne:

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Aujourd'hui, à une époque où les valeurs les plus sacrées se perdent, certains iconoclastes ont entrepris de fixer aux murs des lieux cultissimes que sont nos BDP, des horloges de ce genre :

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Ma Doué ! Permettez que je reprenne la mer. L'amer Picon, bien sûr:

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Kenavo.

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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