SBGR007, la petite bombe de Grand Seiko (Revues & Essais)

posté par Damster , 6-9, 21/08/13, 19:16
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Grand Seiko SBGR007 - 40th Anniversary


--- Avertissements ---

- Cette revue contient des morceaux de Seiko. Des gras, de gros. Veuillez tenir les enfants éloignés de l’écran pendant sa lecture, l’influence néfaste qui en émane pouvant mettre leur avenir en péril.
- Photos pourrites et mauvaise foi sont incluses au forfait, donc obligatoires. La rédaction implore le pardon des dieux de la macro, et décline bien évidemment toute responsabilité.
Bonne lecture.
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Préambule : deux modèles historiques

- la J14070 (calibre 3180) de 1960
Ici, le modèle en platine, rencontrée plus couramment en or jaune.
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(crédit SeRxx sur www.forum.saatforumu.com)

- la 5722, milieu des années soixante

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(crédit Steeve G)

Nous y reviendrons assez souvent.
On dit que l’appréciation de la beauté n’est qu’une notion de moyenne entre les entités observées…


Je l’ai rencontrée sur internet

Un soir comme un autre. Je me documente sur quelque modèle millésimé Grand Seiko.
Les images de 4420 et 4520 défilent.

Passage par Rakuten, un marché virtuel japonais globalisé, le vivier de ces belles.
Hmmm… bien chère cette 4420, et sympa cette 4520 !

Sur la même page, une miniature esquisse une forme plaisante. Sans reconnaître le modèle, je clique.

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(crédit Chuukotokei sur www.global.rakuten.com/)

Temps d’arrêt… jamais vu ça. Magnifique.

Belles proportions. Très vite, je remarque les index entièrement doublés : ils me rappellent quelque chose et j’aime beaucoup.
Rapide lecture des specs. Grandeur, petitesse ; le prix puis la taille m’interpellent. Tout ceci n’est pas commun.

Mais quelle gueule…

On n’a qu’une vie et le poignet élégant, entre autres justifications foireuses. Bref, ça se tente.
Problème, trois jours plus tard elle n’était plus à vendre. Hors de question que je laisse passer la suivante. Je me documente en attendant.


Spécifications

- SBGR007, série limitée de 300 pièces, en célébration du 40ème anniversaire de Grand Seiko (Décembre 2000),
- Boîtier en or blanc 18k, glace saphir traitée antireflet sur les deux faces – double courbure,
- 35 mm de diamètre, 12 mm d’épaisseur,
- Calibre mécanique réf. 9S51-0020 à remontage automatique, 24 rubis, 28800 alternances par heure, réserve de marche d’environ 50 h, précision -3/+5 s par jour,
- Fond transparent, étanchéité 3 ATM,
- Première montre portée par James Bond sur la lune (d’où le 007), il me la faut.


Petit Seiko, je suis ton père

La bougresse me hante jours et nuits. Ayant la chance d’avoir les fonds et vu que j’en ai fait un défi personnel, je finis par l’avoir.
Sans entrer dans les détails, l’expérience d’acquisition a beaucoup plus relevé du processus d’extradition que du téléachat.

La patience, l’acharnement et la créativité furent indispensables. Rien de simple, à commencer par des vendeurs qu’il faut réussir à convaincre, si par chance ils parlent anglais, daignent répondre aux messages ou aux appels. Très peu expédient en dehors du Japon.

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« Si à 40 ans t’as pas une GS, t’as raté ta vie. »

C’est que le lion rampant ne se laisse pas dompter aisément. La production limitée du Grand Seiko ne satisfait déjà pas la demande du marché domestique*. Axée sur la qualité, elle relègue au second plan la logique commerciale. Tout cela peut sembler étrange vu d’ici, mais chez Seiko on réalise le chiffre ailleurs.

Fatalement, quand on traque la GS domestique on joue à l’extérieur. En concurrence directe avec les amateurs locaux, il faut se lever de bonne heure et prendre goût aux kanjis dans sa messagerie.

A ceux qui aiment le sport, je conseille vivement l’export du Japon puis l’import en France d’une montre en métal précieux montée sur bracelet croco, le tout sagement rangé dans une boîte en bois. Négociation sensuelle recommandée.

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A propos de boîte, celle de la SBGR0007 est donc en érable laqué, fait peu commun chez GS. Un objet parfaitement inutile mais parfaitement réalisé, marqué du sceau du 40ème anniversaire. Son double fond renferme moult littérature en japonais qui peut avantageusement caler une table.

Bref, l’essentiel est que la belle soit arrivée à bon port. Son état cosmétique force le respect, on la croirait directement sortie d’une clinique.
Elle sera bien traitée, c’est juré. Je vais vous la présenter.


Mise en boîte

Le boîtier mesure 35 mm de diamètre, tout comme l’ancêtre J14070 et 12 mm d’épaisseur, dans les standards des modèles automatiques de l’époque.
La distance corne à corne mesurée avec précision au double décimètre fait quant à elle 42 mm.

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En deux mots : petit mais costaud, un boîtier trapu ! On aime ou pas, le dessin des cornes ajoute encore une touche de caractère et de présence.

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Cette forme annonce le retour des lignes classiques chez GS, la série des SBGW (manuelles) démarrant en 2001 avec l’arrivée de la SBGW001. De la même manière, la série des SGBM (GMT auto) reprendra ensuite le flambeau de ces lignes classiques parmi les modèles post-1998.

Sur ce boîtier, deux visages s’opposent : au recto, la matière est découpée par les lignes tendues et les arêtes vives ; au verso, la surface en contact avec la peau s’adoucit en courbes et rondeurs.

Les cornes sont donc également correctement charpentées, leur forme respecte celle des modèles historiques, leurs proportions se situent entre la finesse de la J14070 et la robustesse de la 5722, un bel équilibre.

La jonction entre cornes et boîtier est là aussi typique des deux inspiratrices historiques.

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Les chanfreins couvrent l’intégralité de la face externe des cornes, sur les séries SBGW et SBGM ils adopteront une forme en sabre sur la face supérieure des cornes.

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Des cornes percées sur un steak en or : GS, tu peux pas test.

Le flanc de la lunette dans le prolongement de la carrure figure la base d’un cône, l’ensemble lunette/glace dessine pour sa part une section de sphère. Ces éléments respectent la grammaire du design selon Grand Seiko.

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Le détail qui tue : il existe un plat entre les cornes pour faciliter le montage d’un bracelet de forte épaisseur au plus près du boîtier sans qu’il frotte. Malin et ellipsoïde, on le distingue à droite sur cette vue :

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Les séries SBGW et SBGM qui reprendront la forme classique du boîtier n’auront pas besoin de cet artifice car leurs cornes arrivent sous le niveau du fond (montre à plat).

La glace est un verre saphir double courbure (face externe convexe, face interne concave), traité antireflets sur les deux faces et à bord biseauté au contact avec la lunette. Cette glace prend un amusant effet « bain d’huile » quand on regarde la montre sous un angle prononcé.

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La boîte est fermée côté fond par une glace en verre minéral (certainement de type hardlex) non traitée antireflets, bordée par un motif en grains de riz.


Côté face

Le cadran de la SBGR007 fut une révélation à réception, alors que je focalisais sur la combinaison aiguilles/index, il est au final le réel atout séduction de cette montre, lui apportant un supplément de chaleur et de vie.

Sa surface est fortement convexe, soleillée et laquée, impossible de définir précisément sa couleur, probablement argent sous une lumière parfaitement neutre. Ses caractéristiques évoquent immanquablement celui de la 5722.

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Des reflets champagne aux nuances de nacre polynésienne, du blanc lumineux au gris pétrole sur lequel semblent flotter les index, ce cadran ne renvoie pas la lumière, il la recrée.

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L’aspect nacré et profond reste présent dans tous les cas, contrastant avec la brillance primaire des index et les aiguilles polies qui ressortent d’autant.
Il ne porte pas de date, comme la toute première Grand Seiko.

Côté littérature, on reste dans le classique chez GS : quatre lignes de texte, quatre polices différentes. L’agencement est calqué sur la 5722.

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Seule la référence « JAPAN 9S51-0020 R4 » et les index des minutes sont imprimés. Le logo SEIKO ainsi que le « GS » sont appliqués en léger décollement, grâce à la technique ancestrale de lévitation. Les lignes de texte « Grand Seiko » et « Automatic » étant respectivement embossées (creux) et débossées (saillie) puis certainement dorées à la feuille sur la surface en relief.

Cette configuration montre le savoir-faire des artisans mais représente surtout un hommage à une série du modèle originel de Grand Seiko (la J14070, cal.3180) fabriquée lors de la première année de production en 1960. Sur cette série, le logo Grand Seiko était gravé sur le cadran. Cette technique étant particulièrement dispendieuse (fort taux de perte dû à la casse), elle fut ensuite abandonnée au profit de celle de débossage/plaquage classique. Quarante ans plus tard, la voici reprise, unique chez les GS modernes à ma connaissance.

Au réel et au porté, le style gothique se fait très discret, sur ce modèle on se situe quelque part entre la textura prescissa (sans empattement) et la fraktur. Notons que cette police sera reprise à l’identique sur les modèles manuels de la série SBGW à partir de 2001, le relief s’inversant.


Aiguilles

Accrochant le moindre filet de lumière autant qu’elles accrochent l’œil, elles sont pour moi une caractéristique majeure des GS, celle qui m’y fit venir.

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Dauphines par essence, mises en volume par leurs cinq facettes visibles parfaitement polies, elles sont ici courbées à leur extrémité pour éviter tout effet de parallaxe, le pourtour du cadran étant plus en profondeur du fait de sa convexité. Leur courbure est dessinée par pression manuelle*.

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Les proportions des aiguilles varient subtilement d’une GS à l’autre, elles sont ici directement issues de l’ancêtre 5722, la largeur relative de celle des heures étant moindre que sur celle de la J14070 originelle.
L’aiguille des minutes a le bon goût de venir effleurer l’extrémité proximale des index peints, celle des secondes de pointer leur extrémité distale. La lecture de l’heure n’en est que plus précise.


Index

Traités comme les aiguilles, facettés et polis manuellement, les index de la SBGR007 sont intégralement doublés. Chacun possède un angle rentrant à 90° et un total de 10 facettes. Avec les aiguilles, cela fait 130 facettes sur le cadran. Ambiance disco assurée.

Ce, d’autant plus que le poli zaratsu capture le moindre rayon de lumière pour le renvoyer magnifié. L’effet obtenu est semblable aux reflets si particuliers du diamant, et je comprends maintenant pourquoi on donne son nom à ce type de poli. Cet effet est impossible à rendre en photo, il faut imprimer un mouvement à l’objet qui en dispose pour en saisir la plénitude.

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Ces index ressemblent à des maisons mitoyennes et possèdent trois tailles différentes ; celui à midi étant le plus large, suivi à égalité par ceux à 3, 6 et 9 heures puis par tous les autres, dont la taille et la finesse respirent l’élégance.

Je trouve leur disposition et leurs proportions harmonieuses. C’est que la grammaire du design me parle. Je n’ai jamais passé autant de temps à observer une montre, à la voir évoluer au long de la journée. Si mes regards l’usaient, elle serait épave.

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Ces index rendent hommage à la première GS historique, même certainement l’hommage le plus marquant. On retrouvera ces index doublés sur des modèles dédiés aux anniversaires : SBGW004 en 2001 (120 ans de Seiko), SBGR037 en 2008 (10 ans du calibre 9S) puis SBGW033, 039 et 40 en 2011 (130 ans de Seiko).


Bracelet / boucle

Des huiles aux billes de roulements, des rubis aux glaces saphir, on le sait, tout est manufacturé sur place chez Grand Seiko. Suivant cette logique, des alligators sont spécialement élevés dans les aquariums du Shizukuishi Watch Studio pour avoir l’honneur de finir en bracelets. Nourris au sashimi et massés quotidiennement, leur velouté est unique :yes:

De grosses écailles noires brillantes cousues font le bonheur du porteur de SBGR007. Doublé cuir et signé, le bracelet est particulièrement épais. Il demande encore à être porté pour s’assouplir, mais dégage une sensation de robustesse et se marie parfaitement dans ses proportions avec le boîtier. A défaut de confort, la cohérence est là.

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La boucle ardillon est on ne peut plus classique, du même métal que le boîtier, elle porte la marque du Grand Seiko dans un style similaire à la littérature du cadran. Cette pièce robuste est de très bonne facture, un reproche toutefois : l’ardillon est particulièrement pointu et mieux vaut ne pas rater son trou dans le bracelet lors de l’ajustement, au risque de l’endommager.


Coté fesses

Le calibre embarqué est le 9S51, la première évolution du 9S55 lancé en 1998. Il s’agit de la version sans date du calibre automatique à 28800 alt/h équipant les GS modernes.

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L’évolution suivante sera l’apparition d’une version à remontage manuel sans date en 2001, le calibre 9s54. Les améliorations ultérieures concerneront par exemple la réserve de marche via l’emploi d’un alliage performant pour le ressort de barillet, et l’augmentation de la précision grâce à la technique de MEMS pour la découpe de la roue d’échappement.

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Très peu d’informations sont disponibles au sujet de ce calibre. D’après un site marchand et de ce que j’en comprends, le dessin de l’échappement est spécifique par rapport au 9S55, se rapprochant du calibre 9S85 (36000 alt/h) qui verra le jour 10 ans plus tard.

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Niveau déco, La manufacture nous gratifie ici d’un anglage sur le rotor, assez rare pour être noté ! Le mécanisme est entièrement rhodié.

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Le lion est gravé sur le médaillon, comme à la grande époque. Un détail cocasse : quand on aligne ce lion avec le logo « GS » à l’intérieur du bracelet, les côtes de Tokyo coïncident parfaitement entre la platine et le rotor.

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Le 9S51 est donné pour -3/+5 s par jour, un certificat individuel est fourni avec la montre. Un test de précision me donne +2 s/j, son voyage fut sain.
Ce calibre a pour sa part le bon goût de remplir la boîte, pour le mérite car aucun guichet de date ne vient trahir sa taille au recto. Le remontage par la couronne est doux sans être mou.


Impressions / ressenti

Hep, hep, hep, j’en vois qui s’endorment au fond.


Et voilà ; double avantage : réveille et dégage les sinus.
Triple avantage même : traduit un ressenti. Reprenons.

En terme de ressenti, on a la nette impression d’avoir en mains un objet d’artisanat, avec une âme, une présence entêtante, des reflets explosifs. Une beauté presque violente, impossible de l’oublier. Les clichés sont réalisés sur poignet de 17,5 cm ; malgré son épaisseur relative, cette montre se pose naturellement sur le poignet.

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Elle est pour moi l’archétype de la Grand Seiko, un vrai condensé de ce que j’aime chez cette marque, mais aussi le trait d’union entre les anciennes et les modernes, le symbole d’un renouveau.

Avant tout ce qu’elle peut représenter (et que j’ai appris à postériori), je l’ai trouvée et la trouve toujours divinement belle. Elle a le don de cultiver les paradoxes. Sur le papier, elle possède tous les défauts du monde mais dans la vraie vie, c’est une petite bombe.

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Qu’elle soit une Seiko est pour moi un atout : elle sait cacher son jeu à qui ne veut pas la connaître. Mais quand on rentre dans son jeu, on découvre en elle un tour de force de manufacture. Autre avantage : pas besoin de se justifier sur un tarif auprès de qui que ce soit…
En deux mots et comme dirait Tori, elle roxxxe.
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L’échec de la raison

Alors oui, je m’étais bien juré de ne plus craquer. Je m’étais aussi juré quelques douzaines de fois de ne plus venir sur Chronomania. Dix ans que je n’avais pas succombé à une montre pour autre chose que la fonction. Mais Chronomania, c’est trop fort que toi.
Les traîtres comploteurs y rôdent et travaillent à l’usure, ils se reconnaîtront. Nombreuses sont leurs victimes.
Sombre gloire à eux, ils ont eu ma peau.
Désormais je suis des leurs.
Au suivant.

Bien sûr, j’aurais pu acquérir à moindre prix une sub de mon année de naissance. En deux jours.
Mais à choisir sans péril, on renonce sans gloire ; les mois de traque après ceux de recherche pure, pour comprendre, font la valeur de la démarche autant qu’ils lui donnent du sens. A satisfaction immédiate, point de mérite. La rareté joue aussi : si je rencontre un jour quelqu’un qui porte une SBGR007, je lui paye un kebab sur le champ.

En point d’orgue d’une démarche de radicalisation, plus lourde fut la rechute. Pire encore, elle était écrite. Les qualificatifs de « crétin » et « débile » me vinrent bien souvent à l’esprit, mais rien n’y fit.
Comme dirait un éminent membre : je n’y suis pas allé avec le dos de la main morte. Du Gland Seiko, j’vous dis !
Le pire est que si c’était à refaire, je le referais. A l’inverse, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir après ça
Donc je confirme : GS, c’est sale, c’est mal.
De la drogue dure, n’y touchez pas.
Jamais.

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* : A Journey in Time, the Remarkable Story of Seiko. © Seiko Watch Corporation 2003.

PS1 : Malgré les apparences, aucun animal n’a été maltraité pendant la genèse de cette revue ; les diptères participants furent parfaitement consentants.
PS2 : Je devais aussi caser deux mots quelque part : comble et understatement. C’est fait.
PS3 : En cadeau aux courageux qui arriveront jusqu’ici, une petite musique d’apaisement(tuyau : cliquer sur “grand lecteur” puis actualiser la page)

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À choisir sans péril, on renonce sans gloire.


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