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posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 05/04/13, 16:56
(Modifié par capitaine56 le 05/04/13, 19:16)

La montre y joue un rôle central. Les progrès de l’électronique et de la géolocalisation ont été tels depuis 50 ans, qu’il est bien difficile aujourd’hui, de s’égarer en mer ou de manquer l’entrée d’un port. Le GPS veille sur nous.


GPS



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Naguère, le navigateur disposait du système LORAN (encore en service dans quelques secteurs en complément du GPS). Relié à une horloge atomique, il émettait, à partir de stations terrestres, des signaux radios sur des fréquences fixes permettant aux navires équipés de récepteurs et de cartes Ad Hoc de se localiser.


Récepteur LORAN



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Horloge LORAN

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Carte LORAN

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Mis en place par les USA lors de la seconde guerre mondiale, pour guider ses flottes, le DECCA a disparu dans les années 80


Récepteur DECCA


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Carte DECCA

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Impossible de se paumer!


Impossible n’est pas américain! Ayant conçu le DECCA, le LORAN, le GPS, étant allé sur la lune, on est capable d’exploits insoupçonnables:


En 1990, règne ce bon Georges W. Bush senior. Pour ceux qui l’ont oublié, le cher homme a décidé d’établir manu militari la démocratie chez le brave Saddam Hussein qui ne lui demande rien, occupé qu’il est à la rétablir à sa façon chez ses Kurdes et à régler leur compte aux Koweïtiens.


Un groupe naval de l’US Navy appareille de Grande Bretagne avec l’idée de rejoindre la mer Mé-Mé-Méditerranée-ohé-ohé via Gibraltar, puis d’emprunter le canal de Suez pour aller présenter ses hommages à Hussein. Beau temps, belle mer, tout bien.


La nuit venue, un feu apparait droit devant la flotte. un bateau? Le commandant du porte-avion nucléaire ordonne que l’on passe dare-dare un message par VHF ( canal 16) à ces malotrus qui coupent la route à l’US Navy:

« Ici le porte-avions X, dégagez immédiatement notre route! »

La réponse ne tarde pas, lapidaire:
« NO. »
Le refus est net. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Traduit illico en américain, ce « NO », manifestement espagnol, est transmis séance tenante au commandant, qui prend la mouche. C’est qui, cet espingouin de mes …nuts qui refuse de se soumettre ? Il saisit l’émetteur et interpelle l’Olibrius:
«Ici le commandant ..., à bord du porte-avion X, transportant 5700 hommes et 70 aéronefs, à la tête de la Task force ... » Nous faisons route vers le Golfe Persique. Écartez vous ou nous vous coulons! Roger. » Et toc.

Porte-avion US

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Vient la riposte, dans un américain au fort accent galicien:
« Ici le phare espagnol de … , nous sommes deux hommes et un chien, nous finissons de dîner, nous ne faisons route vers nulle part et si VOUS ne changez pas rapidement de route, vous allez heurter la côte espagnole, droit devant. Buenas noches.»

Le phare galicien de Cap Villano

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Silence sur la passerelle du porte-avion. Le commandant étudie quelques secondes la possibilité de couler la péninsule ibérique puis y renonce:
« La barre à droite, dix degrés.»


Des esprits malins se firent une joie de relayer l’incident. Cela pour dire que malgré les radars, les sonars, le GPS, le LORAN, plein de galonnés, de de techniciens, une bonne dizaine de navires de guerre suréquipés autour de soi et, quelque part, un livre des feux que l’on peut se procurer pour une poignée d’euros à l’épicerie du coin, on parvient à se fourrer le doigt dans l’orbite jusqu’à se gratter le fondement par l’intérieur. Rassurez-vous: la flotte US arriva à destination. Quant au commandant, il a pris sa retraite. Très loin de l’Espagne.
Imaginez maintenant les boulettes que commirent nos ancêtres en se lançant sur les flots!

Une des premières boulettes. Pas de brassière de sécurité!



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Bateau phénicien. L’amphore prouve qu’on picolait à bord. Autre boulette.



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Pendant des millénaires, on ne s’aventura pas hors de vue des côtes et on évita de naviguer la nuit, sauf quelques hurluberlus qui, en se perdant, découvrirent le Groenland, le Vinland (Canada)

Drakkar

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Ou, en 1492, heurtèrent les Caraïbes en croyant toucher les Indes.


Caravelle

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Ne les noyons pas sous les reproches! Il faut être givré comme un viking ou fada comme un génois pour aller voir de l’autre côté de l’horizon si la vie mérite d’y être vécue. Quant aux polynésiens!


Radeau polynésien

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Ces péripéties ne calment pas les ardeurs des aventuriers. L’océan devient un vaste terrain de jeux de guerre et de commerce sur lequel s’affrontent les éternels petits camarades, jamais d’accord sur rien, sinon sur l’idée bien arrêtée de s’étriper mutuellement: les anglais et les français.
En fait, le problème n’est pas la mer, mais la terre. On constate bien vite qu’il est périlleux de la retrouver. Ainsi la majorité des navires espagnols de la Flotte des Indes ayant coulé disparut au cours de naufrages en s’échouant sur les côtes américaines, antillaises ou de la mère patrie et non à la suite de combats navals.

Galion

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Et oui! Si depuis l’Antiquité on sait se repérer en latitude, c’est une autre paire de haubans que de se situer en longitude. La position est déterminée par un parallèle quelconque et un méridien de référence. Jusque-là, ça va. Mais quel méridien de référence?


Louis XIII, en 1634,décrète que ce sera celui de Hierro, la plus occidentale des îles Canaries. En avant pour plus de deux siècles de débats entre français qui, en 1792 déplacent le méridien «0» à Paris et anglais, qui en tiennent pour Londres. Greenwich l’emporte en 1884, au prétexte fallacieux que la Tamise est à une portée de lance-pierre. Il faut attendre 1911 pour que l’ensemble des pays se rallie au méridien de Greenwich.


Dans «le trésor de Rackam le Rouge», Hergé situe le méridien «0» à Paris. Tout faux : le méridien de référence, sous Louis XIV, est encore celui de Hierro, vingt degrés plus à l’ouest. Donc, Tintin n’a pu modifier correctement la route du Sirius ni découvrir l’épave de la Licorne. Avis, amis plongeurs : elle reste à découvrir, avec sa cargaison de rhum.


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Après cette escale, reprenons notre route maritime. Nous avons un méridien de référence. Bon. il faut un instrument mesurant le temps écoulé depuis l’appareillage et qui conserve l’heure exacte du lieu de départ: une montre,



Un sextant(pour la latitude)

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Un loch (pour la vitesse et la distance parcourue)

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Du papier, un crayon, une gomme, des connaissances en arithmétique, en astronomie, de l’ordre, de la méthode, du sang-froid. Un jeu d’enfant. Cela s’appelle la navigation ASTRONOMIQUE.



Colomb avait, lui, tâté de l’usage du sablier et de la boussole.

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Primitif, mais cela ne l’empêcha pas de réussir quatre voyages aller-retour. Cela s’appelle la navigation PIFOMETRIQUE.


Utile aussi: une carte, pour tracer la route. Mais, pour tout arranger, selon le type de projection utilisé, la route la plus courte peut être représentée par une courbe : c’est l’ORTHODROMIE selon la projection de Mercator. Pourquoi cette complication nouvelle? Parce que Mercator était belge…non!


Sur une carte conçue par notre mangeur de frites, la ligne droite représente la LOXODROMIE qui suit un méridien. Donc, la droite est plus longue que la courbe. C’est balèze hein? Sacré castard, ce Mercator! Pour mieux comprendre, munissez-vous d’un globe terrestre et de deux cachets d’aspirine.


Projection Mercator 1569. Les pôles sont des lignes droites.


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Sur une carte en projection GNOMONIQUE, la route la plus courte est représentée par une droite. MAIS, sous nos latitudes, on n’utilise PAS de carte gnomonique. Voilà-voilà.


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Parce qu’elles sont axées sur un des pôles. Ce pôle-là est donc un point. Parfait. Pour le reste, ça est le bazar sais-tu?



L'idéal est la ZIGZAGODROMIE, qui repose sur trois éléments clés: une bonne couverture météo, un point de départ A où il y a un bistrot connu et un point d’arrivée B où il y a un troquet réputé. Ceci permet de naviguer pendant des années sans s’égarer ni rencontrer la moindre tempête. Encore faut-il une montre, pour l’heure de l’arrivée au bistrot. Revenons à nos moutons.



Pour aborder scientifiquement la navigation hauturière, une montre est donc indispensable me diront ceux qui ne dorment pas encore. Non! Deux : Une qui donne l’heure du bord et une qui donne l’heure du méridien de référence. Il faut aussi qu’elles soient de la plus haute précision pour permettre de relever le soleil à midi pile tous les jours, si la visibilité le permet ou, la nuit, la lune ou tout astre significatif, afin de faire le point.


C’est là que les choses se corsent. Jusqu’à présent, tout est simple.
Nos amis britanniques ont pigé que les routes du commerce international ne sont plus terrestres mais maritimes. Qui domine la mer, contrôle le monde. En gros, l’idée est de faire en sorte que leurs navires reviennent au port sains et saufs avec un max de cargaison et, d’autre part, d’aller enquiquiner autant que faire se peut les adversaires colonisateurs là où ces derniers ont osé prendre pied avant eux : au hasard, ces fichus mangeurs de grenouilles. Et pour que Britania rules the waves, il lui faut ce qu’on appelle le CHRONOMÈTRE DE MARINE.



Les nantis qui naviguent savent à quel point il est ardu, au-delà de force 3, de boire son pur malt sans gâchis, sauf à posséder le récipient adéquat et un bateau de taille suffisante. Songez maintenant à ce que peut être la difficulté pour que fonctionne dans un milieu salé, humide, agité,car parfois la mer bouge et le bateau roule, tangue et gite, un mécanisme qui doit conserver dans ces conditions une précision absolue.



Dès le XVIIème siècle, Huygens s’y est cassé les dents.


Huygens

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Chronomètre Huygens

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En 1704, Henry Sully propose un système à mouvement suspendu. Echec.

Sully


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Survient en 1707, une affaire maritime qui fait grand bruit au Royaume d’Angleterre: un certain amiral Cloudesley Shovell, revenant de Méditerranée via Gibraltar fait côte aux îles Sorlingues, égaré qu’il est dans un mauvais temps typique de ces rudes contrées.


Sir Cloudesley Shovell

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Le choc est suffisamment brutal pour qu’environ deux mille sujets de sa Gracieuse Majesté et lui-même passent de vie à trépas. A ma connaissance, c’est son exploit le plus notable. J’ignore s’il existe un quelconque lien familial entre lui et le commandant U.S.n évoqué plus haut.


Ce type d’incident naval s’appelle «fortune de mer», preuve que les marins ont de l’humour, mais celui-ci est assez mal perçu à Londres. Le Parlement vote un texte de la plus haute importance: le «Longitude Act», offrant vingt mille livres (à la louche, cinq millions d’euros) de récompense à qui mettra au point un chronomètre répondant à un cahier des charges gratiné.



C’est John Harrison qui emporte le morceau, non sans mal.


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Son premier projet, un monstre, présente pour les British l’immense avantage de l’être. British, veux-je dire. Harrison réalise trois autres engins. Le quatrième est le bon, donnant une précision d’un demi-degré (trente kilomètres, quand même!) Il empoche son blé et profite de la vie. Il lui aura suffi de trente et un ans de boulot.



Les chronomètres Harrison, génialement baptisés H1, H2, H3 et H4 sont visibles, restaurés, au musée de Greenwich.

H1

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H2

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H3

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H4

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Il y a même un H5, proche du modèle retenu par l’Amirauté. Avis aux spécialistes: Il attend d’être restauré.

H5

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Pendant ce temps, en France, Maurepas, Secrétaire d’Etat à la Marine de Louis XV, déploie de grands efforts pour maintenir une marine de qualité. Sa disgrâce en 1749 fait que bientôt périclite la flotte qu’il a fait entretenir à grands frais, suivant l’élan donné par Colbert sous le règne précédent. De Louis XV, on peut dire que la mer n’est pas son truc. En conséquence, on n’arrête pas de se faire piquer nos colonies par ces chameaux de rosbifs.

Néanmoins, Julien Le Roy travaille d’arrache-pied sur le problème.



J. Le Roy

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Lui et son pote suisse Berthoud s’échinent construire un bon chronomètre.



Berthoud y parvient.


Berthoud

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Chronomètres Berthoud

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L’accession de Louis XVI au trône est pour la Marine une bénédiction. Ce roi aime les bateaux, bien qu’il n’ait navigué qu’une fois dans sa vie. Il adore les sciences, les montres et la géographie. Il entreprend de relancer la flotte et donne une nouvelle impulsion aux voyages de découvertes. L’heure de Pierre Le Roy et de Bréguet va sonner.



P. Le Roy

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Prototype de P. Le Roy

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Breguet

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La révolution ruine ces efforts: les meilleurs officiers du Grand Corps prennent le large vers l’exil, laissant la marine française sans état-major ou presque. Les vaisseaux et les frégates français sont à l’abandon ou deviennent la proie des britanniques.



Pour réveiller ceux du fond:
Lors des combats navals, les English s’efforcent de prendre plutôt que de couler nos navires, supérieurs aux leurs, afin de les utiliser ensuite à leur profit. Ils affirment: « le meilleur navire du monde est une frégate française, montée par un équipage anglais». Parmi les qualités de nos unités, les chronomètres ne sont pas les moindres.


Vaisseau français de 74 canons

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Frégates «la Recherche» et «l’Espérance», envoyée par Louis XVI à la recherche de La Pérouse.

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Les errements de l’Empire achèvent de détruire la marine. Napoléon n’a pas confiance en elle, ni de connaissances maritimes. Pensez donc: un artilleur! Il a pourtant effectué des croisières: Egypte, Ile d’Elbe et découvrira l’intérêt d’une bonne navigation pour dénicher Sainte Hélène au milieu de l’Atlantique sud. Bref, en 1815, la France n’a plus de flotte digne de ce nom. Cette année-là Breguet devient horloger de la Marine!


Chronomètre Breguet à double barillet, 1822

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Celle-ci ne renait vraiment que sous le Second Empire puis sous la Troisième République, avec l’essor d’une nouvelle ère coloniale. C’est l’ère des Le Roy et Fils, des Ulysse Nardin et consorts.



On fabrique alors des chronos en Angleterre, en France, au Danemark, aux USA, en Russie, en Suisse. La possession de cet outil décisif a échappé aux deux rivaux. Cette période faste pour l’horlogerie maritime se prolonge jusqu’à l' arrivée du quartz.



Centrale horaire Auricoste Patek Philippe

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En 1974, Omega sort sa Mégaquartz qui rend obsolètes tous les chronomètres existant. Ils deviennent pièces de collection, preuves d’un immense savoir-faire.

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Sextant et Omega[image]




FRANCE




Le Roy et Fils

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Le Roy et Cie 1950

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Leroy, Service Hydrographique de la Marine 1951

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SUISSE





Ulysse Nardin

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ENGLAND


Arnold

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Mercer 1949

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USA


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Hamilton

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Waltham US Navy 1918

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CCCP




Poljot, pour la Marine Chinoise

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DANMARK


Iver C. Weilbach & c°

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DEUTCHLAND (Gag)



Glashütte Original

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ITALIA




Panerai

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JAPON:



Seiko, 1943

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URSS





Polet

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A SUIVRE...

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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