capitaine56


Toujours près de la mer,
27/03/13, 16:46
(Modifié par capitaine56
le 27/03/13, 19:06)
 

1960. Le rêve d'une grosse. (Articles)

Rêve de Grosse.

Elle en avait gros sur la patate, la gravosse. (On l’appelait comme ça depuis qu’elle était radeuse. Pas qu’elle le soit, grosse, mais c’était son blaze, va savoir pourquoi…)
Ras le bourrichon, qu’elle en avait, même. Depuis le temps qu’elle faisait la retape pour son julot, pas un mot, pas un geste, même pas un mimi mouillé de temps en temps. L’Emile, y se contentait de passer relever le compteur et y mettait les adjas après avoir griffé les talbins, direction le rade pour taper le carton avec les autres arcans. Pas qu’y soit mauvais bougre, notez bien, juste que c’était un taiseux. Y cognait pas. Juste une façon à lui de la mater. Au début, ça lui avait fait serrer les miches, à la môme. Maintenant, elle s’en tapait, mais elle la jouait docile.
Sa copine de turf, Simone, disait que c’était un faux dur, un sournois et qu’y fallait rien espérer d’un julot qui savait jamais faire une fleur à sa souris. P’éte qu’elle avait pas tort, la Simone. Depuis le temps qu’elle attendait qu’y lui file la tocante dont elle rêvait ! C’est vrai qu’elle s’tait fait tout un cinoche en usant le bitume autour de la Madeleine et des boulevards quand ces messieurs de la rousse voulaient bien lui lâcher le mollet. Y en avait, des trucs qui la faisaient mouiller sévère, avec des diams à plus pouvoir, comme elle aimait. Quand elle était pas au turf, elle prenait son panard en allant loucher sur les vitrines côté place Vendôme. Elle pouvait rester devant des plombes et des plombes, plantée laga, à reluquer. Remarquez, elle avait de l’entraînement, hein ! Une horizontale, si on gamberge un peu, on pige vite fait que c’est plus souvent debout que couchée…
L’Emile, lui, y s’privait pas. Y avait pas six mois, y s’était offert une Cad’ qui faisait loucher les deux greluches qu’il avait mises aussi à turbiner rue Godot de Mauroy. Foutues pétasses !
Rose, qu’elle était, sa caisse, avec du cuir rouge et blanc.
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La classe, sûr; ça vous situait chez les harengs qu’aimaient bien en jeter un max.


Mais ça faisait jaser chez les hommes, les vrais, les casseurs de coffiots et les montes en l’air, qui préféraient faire dans le discret avec leurs tractions noires


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ou leurs Frégates grises.


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Quelques-uns avaient commencé à tâter de la DS, mais en loucedé, dans leurs propriétés de Deauville ou de Chevreuse.


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Les mecs, c’était pas leur taf, d’attirer l’attention. Plutôt le genre costards fil à fil gris et Patek,

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Tandis que l’Emile… Tous les jours y filait flamber aux courtines, sapé milord, au volant de sa tire et cette enflure, pas une fois il l’avait emmenée en ballade ou au resto, ç'te naze! Les caïds l’avaient à la caille de sa frime, au julot, sûr qu’un jour il y aurait du suif pour cézigue. Une valda, c’est vite avalé…

Avant la Cad’ ç’avait été une Rolex.

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En jonc, of course, avec des diams tout autour et le bracelet en jonc aussi, tiens donc, faut ce qui faut!
Et la chevalière Rolex, du même tonneau:

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Avec ça, les costards à rayures,

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Les limaces en soie,

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Les pompes ritales,

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Et les badas assortis.

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Et les tocantes en paquet, espère un peu, et que du lourd ! Pasque la Rolo, d’accord, ça posait son homme, mais y avait pas qu’elle.
Lip, y trouvait ordinaire, commun pour dire. Et puis, Lipmann, y pouvait pas blairer…

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Les montres schleues, ça le branchait plus trop.

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Faut dire que depuis quarante-quatre, y faisait tout pour se blanchir et effacer l’ardoise de son époque de copinage avec les mecs de la rue Lauriston. Et Junghans, y avait comme un relent…
Alors, y donnait dans le suisse, ou l’amerloque.
Il avait de l’Hamilton, elle allait bien avec sa Cad,

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De la Benrus, pasque le « ben » et le « rus » ça le faisait marrer, lui qui pouvait pas sacquer les bougnoules ni les cocos. Alors il se les accrochait au poignet, manque de pouvoir se les coller au fion, qu’y disait.

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Niveau humour il était faiblard de la pensarde et volait au ras des pâquerettes, la preuve. Niveau couennerie, pardon, y voyageait en first! Faut dire qu’en dehors de Paris-Turf, son canard favori, c’était « le Hérisson »…


Côté suisse où il avait planqué un peu d’osier, et ricain il avait mordu sur Ebel, depuis qu’il avait vu au cinoche Gary Cooper qui faisait de la pub pour eux.

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Le dolluche en dur, ça l’avait branché!


Evidemment, y crachait pas sur Cartier, faut s’qui faut, on est français, quand même!

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Et elle, pendant c’temps-là, elle tapinait dès le début de l’aprème jusqu’à plus d’heure pour affurer de l’oseille et passait trente fois par jours, quand le micheton se faisait frileux, devant des vitrines bourrées de diams, de rubis, d’émeraudes. Ah! Les émeraudes. Elle en tenait pour les émeraudes!

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Un clille qui l’avait grimpée lui avait dit que c’était la couleur de ses yeux. Elle avait cru qu’y en mordait pour elle et qu’y voulait lui en payer une. Tu parles, Charles, le cave voulait lui tirer un bouquet sur sa passe! Pas demain la veille qu’elle allait remonter avec cézigue!
Ç’qui avait d’bien, pendant, qu’elle faisait le ruban, c’est qu’elle pouvait réfléchir. Et compter. Ça commençait à lui trotter dans le ciboulot qu’l’Emile, y finissait par lui courir sévère sur le haricot. Quitte à fumer tous les jours du cigare à moustache et à éponger des lavedus, elle allait s’en mettre un peu à gauche pour se payer ses p’tites folies à elle. Une Cartier, pour commencer.

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En trois, quatre marquotins de turbin, en chauffant quinze, vingt pour cent à son mac, elle en verrait le bout. Du Boucheron, aussi, ça la branchait bien.

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Fallait qu’elle se dégotte un rombier un peu salingue, avec suffisamment de blé. Elle se le mettrait dans la fouille pour lui faire cracher son flouze, ou casquer direct les bricoles sur lesquelles elle louchait. Avec ses spécialités, elle était sûre de mettre n’importe quel vioque à genoux en deux coups les gros.

Prête à tout, qu’elle était! Pas au point de se faire marida par un cave bourré aux as, mais y’aurait pas fallu la bousculer beaucoup. De l’artiche, une villa sur la Côte, ça cause… Surtout que la Simone, elle venait de toucher une Jaeger Le Coultre que son mec avait dégauchie au feutré chez une daronne où il jouait de temps en temps les gigolpinces.

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Elle l’avait en travers, la Jaeger de la Simone! Et l’autre lavedu, qui n’en ratait pas une, prenait son pied en la lui faisant mater à chaque fois qu’elles allaient se jeter un p’tit noir dans leur zinc habituel entre deux passes. Et qu’arrêtait pas de lui bonnir que son jules à elle, s’était un bon, un vrai, un mec qui savait se tenir vis-à-vis de sa gagneuse, pas un demi-sel. Heureusement qu’elle l’avait à la bonne, la Simone, depuis dix piges qu’elles tapinaient ensemble, sinon, elle la lui aurait fait bouffer, sa toquante à ç’te blêche, et sans assaisonnement, espère!

Mais ça avait du bon. Quitte à mettre les bouchées doubles (elle se marra intérieurement en pensant à l’image) elle prenait, mine de rien, sa décision. Bientôt et p’têt même avant, elle mettrait les bouts et l’Emile il irait se faire dorer avec sa Cad’ et ses poufs à trois balles.

En Rolls, qu’elle roulerait,


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avec une Chopard au poignet.

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Ou une Piaget. Avec des émeraudes!

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Allez, quitte à s’y mettre, autant s’y accrocher tout d’suite!
« Tu viens, chéri, si t’es généreux, j’te ferai ma spéciale… »

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Kenavo.[/size[/size]]

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

Origami
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Paris,
27/03/13, 17:11

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

Bonjour mon Capitaine,

Toujours un régal à lire. :Applause_1:

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Les Origami Watches : www.origami.watch.

rocalin
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27/03/13, 17:30

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

Merci Mon Capitaine!
la on roule carrosse (et pas que). Encore un moment truculent a vous lire. Votre prose Dard(e) et ne me lâche plus tant que je n'ai pas lu le dernier mot. San Antonio aurait opiné du chef (et pas que, vu la répute qu'il trimballe), Berthe serait monté au suif(sans son Albert de coiffeur) et Audiard aurait remis sa tournée "pour ces messieurs, les hommes" - du brutal...
A bientôt

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Always look on the bright side of life!

alemmar (Modérateur)
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Page d'accueil 27/03/13, 17:56

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

:Laporte:

Excellent!!! Ah, le vieil argot, y a qu'ça d'vrai! A l'époque, la membrineuse sur le verre de lampe ça rapportait pas gros...
Tiens, faudrait que je retrouve un vieux dico d'argot des années 20 qui traine...

:ok: :ok:

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Tempus et circenses

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autrichongris
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27/03/13, 18:41

@ rocalin

1960. Le rêve d'une grosse.

»
» San Antonio aurait opiné du chef


Je crois que l'expression était: "San antonio aurait branlé... Tu sais quoi ? Du chef !" Ou à peu près :lol3:

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Je déteste deux choses: l'analyse et le pouvoir. Sviatoslav Richter

capitaine56


Toujours près de la mer,
27/03/13, 18:49

@ rocalin

1960. Le rêve d'une grosse.

Là, je renaude vilain!

L'argomuche, mon pote, c'est pas du Frédéric Dard. San Antonio parle le San Antonio. Audiard fait du Audiard. Nuance!
La langue verte, c'est celle de Simonin, d'Auguste Le Breton, des gonzes qui sont pas tombés de la dernière lansquine. L'argomuche, y remonte à des lustres et des lustres, avec des Villon au départ. Pas de la guimauve, ça. L'argomuche, c'est les fortifs, les boulevards, Montmartre, pas les romans. Ça s'apprend sur le tas, à la naissance même, dans le sein de ta mère, avant même qu'elle ait craché le gluant.

Salut, p'tit pote, et me la rejoue pas San Antonio, ou va y avoir du cri.:cool:

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

alemmar (Modérateur)
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Page d'accueil 27/03/13, 18:54

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

bien d'acc: le Breton et Villon, cé la baz wesh!

Sans déc t'as raison et "notre" argot aujourd'hui en voie d'extinction est autrement plus savoureux que le sabir actuel, la même difference qu'entre un navarin des familles et un sandwich "canebière" - :lol3: -

:ok:

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Tempus et circenses

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rocalin
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27/03/13, 19:10

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

Michel, "mon p'tit pote" tu dérape grave!
Allez Ciao car mon sens de l'humour a ses limites qui sont atteintes des qu'on touche a la famille. C'est peut être le gwin ru, mais ce n'est même pas une bonne excuse.

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capitaine56


Toujours près de la mer,
27/03/13, 19:26

@ rocalin

1960. Le rêve d'une grosse.

» La "mon p'tit pote" tu dérape grave!
» Allez Ciao car mon sens de l'humour a ses limites qui sont atteintes des
» qu'on touche a la famille. C'est peut être le gwin ru, mais ce n'est même
» pas une bonne excuse.


Mais je crache pas sur le San' A! Je révère le San Antonio.

Je me découvre respectueusement devant Audiard!

Remettons les choses à leur place historique:

L'argot du Commissaire, il est fait pour être compris par tout le monde. L'argot d'origine contrôlée qui a traversé les siècles en évoluant jusqu'à son sommet, dans les années 60, que j'évoque ici avec des locutions qui m'ont été familières et que j'ai étudiées (et oui, l'argot ça s'étudie) est fait pour n'être compris que par une minorité d'affranchis. La différence est d'importance.
Encore une précision: il n'y a pas UN argot, mais des argots. Chacun d'eux correspondait souvent à une catégorie socio-professionnelle: le verlan, le louchebem, etc.
Pour finir: j'adore parler argot...
Ceci me change, vois-tu de la langue châtiée que ma bonne éducation me contraint à employer.
A ta santé, camarade!

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

rocalin
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27/03/13, 19:34

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

A la tienne aussi!
J'ai même doublé la dose. Dure, cette éducation qui te contraint a châtier la langue... Pace salute!

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Always look on the bright side of life!

Tarzom
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par içi et par là,
28/03/13, 00:00

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

Merci pour ce beau texte et cette petite leçon de l'argot.

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La signature prend de la place inutile ;-)

Mnementh

Autan en emporte le vent,
28/03/13, 00:23

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

Quelle émotion, ça me fait penser à maman. :wink:

surtout le dessin de la fin. :teuf:

comment ça, fils de p*** ?

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Rien ne va de soi...

tactac


près de montpellier,
28/03/13, 13:28

@ Mnementh

1960. Le rêve d'une grosse.

un très bon moment passé à te lire ,
merci

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Du coté de chez swatch . Marcel Proutch

capitaine56


Toujours près de la mer,
28/03/13, 15:29

@ Mnementh

1960. Le rêve d'une grosse.

» Quelle émotion, ça me fait penser à maman. :wink:
»
» surtout le dessin de la fin. :teuf:
»
» comment ça, fils de p*** ?

Oh! Ta Maman était comme ça en 1960? Mais je l'ai bien connue, fiston.:mdr:

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Canard Sauvage
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Au cœur des Alpes,
31/03/13, 13:58

@ capitaine56

1960. Le rêve d'une grosse.

San Antonio, sors de ce corps !

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God save the Triple.

capitaine56


Toujours près de la mer,
31/03/13, 16:06

@ Canard Sauvage

1960. Le rêve d'une grosse.

San Antonio, sors de ce corps !


Mec, la chasse au Canard sauvage est Ouverte! Y a un contrat sur ta tronche. Tu vas te faire assaisonner sévère! Va y avoir du rififi chez Chronomania. Ça, c'est pas du San Antonio: C'est du pur jus du mitan des années soixante.

Conseil: ligote "langue verte et noirs desseins". C'est signé Auguste Le Breton. Une pointure. Un gazier qu'a fait carrière de la maison de redressement ("Les Hauts Murs";)) jusqu'au gratin chez les durs et qu'a su raconter du vécu dans ses romans. Crois-moi, mon pote, Le Breton, c'est un tout grand, un balèze, un seigneur! Et qu'est sorti du milieu par le haut, pas par la petite porte.

Je t'en serre cinq, mais gaffe à tes os si tu remets le couvert avec une confuse de ce calibre.

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

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Olivier 1143, Romuald21 (Modérateur)
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