Je trouve cette analyse assez "pro swatch group". J'ai un point de vue peut-être faux, un peu différente.
Pour commencer, cette question des fournitures d'ébauches en direction de pays extérieurs à la Suisse, n'est pas neuve, cf les conventions de chablonnages pour lutter contre ce phénomène au cours du 20ème siècle.
Ça n'a jamais conduit à la remise ne cause de ce système de l'ébauche, qui est l'un des piliers de l'industrie horlogère suisse "moderne", depuis la fin 19ème (industrialisation par deux voies essentiellement : la "manufacture" jamais complète bien sûr, et la division entre fabrications d'ébauche industrialisés, fabricants d'habillage fournissant également les manuf', et établisseurs "industrialisés", puis regroupement progressifs des fabricants d'ébauches dans les années 20/30, à l'exception de quelques fournisseur HdG tel Lecoultre ou F Piguet ou de Lemania elle intégré au sein de la SSIH)
Par ailleurs, il me semble que Hayek n'a jamais vraiment caché qu'un des buts (le principal ?) de l'arrêt de livraison des ébauches aux tiers était le "rapatriement" au sein du Swatch group de la valeur ajouté correspondant aux opérations de finitions.
La contrefaçon joue ici un rôle d'alibi à mon avis.
Ensuite, ce qu'on voit aujourd'hui, c'est la conséquence du regoupement en 1983 entre la SSIH (Omega/Tissot/Rayville, le poids lourd, certes privée de Lemania Lugrin en 1981, qui avait alors pris son autonomie et est devenu Nlle Lemania) et l'ASUAG (le trust des ébauches et des fournisseurs de composants), un serpent de mer dont les suisses ont discuté durant toutes les années 70.
D'ailleurs, quand au tout début des années 70 l'ASUAG a repris Longines, les concurrents de Longines, manufacturiers et établisseurs, ont protesté : leur fournisseur, ASUAG, devenait leur concurrent avec Longines...
En 1983, on a eu la même chose, mais décuplée avec cette fusion. Seulement, vu l'état d'urgence dans lequel se trouvaient ASUAG et SSIH, deux piliers de l'horlogerie suisse, à l'orée des années 80, ça s'est fait.
A l'époque, Hayek était juste le patron d'une boite de consultant qui a aidé à monter l'opération.
Et cette fusion SSIH/ASUAG, comme la création de Ebauche SA puis de l'ASUAG au début des années 30, a été possible grâce au soutien actif des autorités suisses, c'est une opération de sauvetage de la branche horlogère, pas de création d'un trust privé agissant pour ses intérêts... Enfin, en principe, dans l'esprit des naïfs peut-être. On voit ce qu'il en est aujourd'hui.
Pendant des décennies, ASUAG a servi à la fois de fournisseur de chablons et de mvt finis aux multiples établisseurs et à des manufactures, et d'aiguillon des manufactures (Omega, Longines...)en les forçant à s'améliorer pour garder leurs arguments d' "excellence" ou d' "avance technique" par exemple dans le progrès du mvt automatique... (cf sur ce dernier point le bouquin d'Hélène Pasquier)
Aujourd'hui, l'entité issue de cette fusion a oublié pourquoi elle a été créé, et de quoi elle est issue, ou plutôt semble de s'en prévaloir en indiquant que sa politique a pour but de "sauver l'industrie horlogère suisse contre elle même" (en gros) et en fait lui permet de court-circuiter des tiers en ne fournissant plus que du mvt fini au prix correspondant.
En soi, conduire une politique obligeant d'autres à diriger les résultats financiers vers la R&D et l'investissement productif, ça m'est plutôt sympathique.
Mais ici il y a un certain cynisme de la part du SG, qui oublie que la fourniture d'ébauche est l'une des bases de fonctionnement de l'industrie horlogère suisse, et que si ASUAG et SSIH ont été sauvées et on fusionné, ça n'était pas dans le but d'étrangler les boites genre dubois depraz et autres...
Et en fait, ce que je vois, moi, c'est ça :
- le fournisseur quasi monopolistique d'ébauches et de mvt finis, sauvé pour assurer le maintien de l'horlogerie suisse, estime que la fourniture d'ébauche est une tâche ingrate ;
- il constate que depuis le "renouveau" de la montre mécanique il y a 20 ans, l'exploitation de ses ébauches dans tous les sens s'est multiplié, de même que les boites "tierces", qu'ells conçoivent des complications, des mouvement entiers, voire les produise...
- il décide de ne plus fournir que des mvt finis, et reporte sur des tiers (finisseurs ou emboiteurs) ) cette activité de fabricant d'ébauche.
Vu tout ce qui a été fait pour sauver et protéger cette activité de fabricant d'ébauche, depuis de décennies, en terme financier amis aussi d'organisation de la branche (complètement règlementée jusqu'aux années 70), on comprend que les clients de l'ex-ASUAG protestent...
A la rigueur, que Hayek fasse joujou comme c'est le cas avec Nlle Lemania, qu'il a racheté avec Breguet à Investcorp, ou Piguet racheté en 1992, il est déjà un peu plus légitime à le faire...
Par ailleurs, comme tu l'as relevé, en terme de mvt mécanique, les inniovations/améliorations, chez ETA (qui est désormais le successeur de l'ASUAG), elles existent surtout en terme de production (qualité et rendement) avec les progrès de l'outil industriel, ou sont essentiellement réservées aux marques du groupe (le développement du coax et des chrono Piguet 1285 pour Omega, les développements Piguet pour Blancpain ou Breguet comme leur fameux réveil silencieux). Il y a tout de même eu des ajouts de complications sur la base du 2892.
Mais en terme de "nouveaux mouvements", typiquement, les valgranges, la platine agrandie à 16 lignes et demi, c'est un cache misère.
Un chrono valgrange (cf http://www.valgranges.ch/#/products/A07_211 ) conserve la même architecture et n'exploite pas vraiment le diamètre d'encageage supérieur (si ce n'est p. ex. pour le disque dateur...), avec une nouvelle architecture comprenant un plus gros barillet (RDM améliorée), des entraxes de compteurs plus écartés (registres plus grands et lisibles, chronos de 44 mm sans strabisme convergent...).
En dernier lieu, pour ce qui est de la création de vraies "manufactures", comme c'est le cas pour Hublot en ce moment, j'ai l'impression que le "marketing de la manufacture" et la volonté d'un dirigeant qui en a les moyens suffit, celui qui ne veut pas ira se fournir chez LJP ou Sellita...
Quel est l'intérêt de voir Sellita produire du clone de 7750, franchement ? |