Le patron de Swatch donne des leçons de "capitalisme responsable"
LE MONDE | 20.03.09 | 15h05 • Mis à jour le 20.03.09 | 15h05
Il se place délibérément à contre-courant des patrons ultralibéraux. Même si le groupe Swatch, numéro un mondial de l'horlogerie, a effectivement pâti de la crise, son PDG, Nick Hayek, l'a affirmé haut et fort lors d'une conférence, mercredi 18 mars, à Genève : "Pour une entreprise cotée en Bourse, qui annonce une chute de bénéfice, réduire de 10 % l'effectif permet de faire remonter le titre. Cela ne marche pas comme cela chez nous. Il n'y aura ni licenciement ni recul des investissements chez Swatch. Nous acceptons d'avoir un rendement amoindri et de ne pas être les chouchous de la Bourse."
Nick Hayek, le fils du fondateur du groupe, fait partie des patrons qui disent clairement ce qu'ils ont sur le coeur. Même sur des concurrents. "Richemont nous a annulé des commandes. C'est un groupe qui n'a pas de dettes, mais s'il gagne moins, sa direction punit tout de suite le personnel, et a introduit du chômage partiel chez Cartier. Ce qui n'empêche personne de continuer à voler en avion privé...", dénonce-t-il en aparté. Ce trublion de l'industrie suisse s'est même offert cette année un petit frisson en apposant sur les rapports de gestion du groupe un avertissement : "Attention, cette publication n'est pas recommandée aux acrobates et jongleurs du cirque financier actuel..."
Le groupe Swatch, qui compte dans son portefeuille une vingtaine de marques de montres, toutes ciblées sur une clientèle différente (Swatch, Tissot, Longines, Calvin Klein, Omega, Breguet, Blancpain...) a effectivement annoncé, jeudi 12 mars, des résultats 2008 en berne, à l'image de l'horlogerie helvétique. Son bénéfice net s'est inscrit en baisse de 17,4 % à 838 millions de francs suisses (566,4 millions d'euros) pour un chiffre d'affaires quasiment stable à 5,7 milliards de francs suisses. Le raffermissement du franc suisse face à l'euro ou au dollar a pesé sur les comptes du groupe, à hauteur de 233 millions de francs suisses.
Cela n'empêche pas Nick Hayek de tempérer ces résultats : "C'est quand même le deuxième meilleur bénéfice de l'histoire du groupe. On peut vivre avec un tout petit peu moins d'argent." M. Hayek assure avoir "dans l'idée de faire mieux qu'en 2008". Tout dépendra "des taux de change et de ce qui va se passer aux Etats-Unis". Il compte sur les atouts intrinsèques de son groupe, comme "la diversité des marques en portefeuilles, la stratégie d'innovation technique, la production intégrée ou encore la faiblesse des dettes".
Même si les détaillants ont parfois "baissé leurs commandes de 40 % ou 50 %", cela permettra de "reconstituer des stocks" et de poursuivre la recherche et le développement (150 millions d'euros y seront consacrés en 2009), explique le PDG de Swatch. S'il s'est refusé à toute compression de personnel dans l'horlogerie, sa belle théorie n'a pas été appliquée dans tous les domaines. Le groupe de 24 000 salariés a eu recours au chômage partiel en début d'année pour 300 personnes qui travaillent dans ses filiales de composants destinés à l'automobile ou à la téléphonie mobile. L'une des trois sociétés concernées, Micro Crystal, repart normalement et vient de mettre fin aux réductions de journées travaillées.
"Ce qui n'empêche personne de continuer à voler en avion privé". J'adore !! --- Je déteste deux choses: l'analyse et le pouvoir. Sviatoslav Richter |