capitaine56

Toujours près de la mer,
24/10/17, 16:25
 

Un bouquin pas ordinaire (Général)

Le bouquin du jour:


Vous décrire le chemin parcouru par ce bouquin pour me parvenir serait trop long, fastidieux et incomplet.

En effet, je n'ai connaissance de ses dernier propriétaires que par une tierce personne qui a eu la gentillesse de me l'offrir. C'était un couple d'antiquaires nantais réputés, retirés depuis fort longtemps et ayant rejoint un monde que l'on dit meilleur.

Le premier détenteur avéré, lui, porte un nom ô combien adulé, révéré, vénéré, encensé de certains fanatiques d'une certaine marque de montres arborant une couronne ducale, j'ai nommé le Grand, l'Immense, l'Unique:

HANS WILSDORF

lui-même et en personne.


Saviez-vous, laudateurs éblouis de cet irremplaçable personnage qu'il existe une collection Hans Wilsdorf?

Oui, sans doute, bien sûr, évidemment! Vous connaissez tout de ce bon Hans. Pas moi. J'ignorais jusqu'à peu l'existence de la Collection H. Wilsdorf.

Vous qui savez, vous n'ignorez pas que l'ouvrage dont je vous entretiens fut édité à Genève en août 1944, période un tantinet agitée dans la plus grande partie du reste de l'Europe, si ma mémoire est bonne.

L’œuvre concernée porte en titre et sur la tranche le Sacré Nom de:

Rolex


[image] [image]


Déjà je vous entends râler de bonheur. Détrompez-vous, malheureux Fidèles. De Rolex, il n'en est question que dans le titre.

Je sais qu'à ces mots, la plupart des fanatiques de la marque a immédiatement abandonné cet article. Je le déplore, mais je continue pour les autres.

Tout en bas de la couverture on peut lire:

Montres et émaux de Genève
Collection Hans Wilsdorf


Her, Mister, Monsieur (ça dépend de la période) Wilsdorf est-il l'auteur de ce précieux recueil? Que nenni. Les textes sont de Monsieur Alfred Chapuis, Docteur Honoris Causa, l'un des plus grands experts en matière de montres et d'automates,


[image]
Alfred Chapuis (1880/1958)


L'avant-propos est rédigée par Paul Chaponnière, Docteur ès-lettres, lauréat de l'Académie Française.

[image]
Paul Chaponnière (1883/1956)


Excusez du peu!

l'ouvrage est dédié par Hans à sa défunte épouse et fait l'objet d'une édition limitée hors commerce, tirée à 600 exemplaires, ce qui est bien peu comparativement à la production annuelle des montres Rolex.

[image]


[image]


L'exemplaire qui m' échoit est dédicacé de la main même du Fondateur, à Monsieur L. Daguzé,

[image]


Bien sûr, vous connaissez aussi L. Daguzé. Non? Grave lacune lorsque l'on parle de montres en général et de Rolex en particulier!

Ce bon Monsieur Daguzé, à qui ce livre fut offert, tenait boutique d'horlogerie et de joaillerie dans la capitale des Ducs de Bretagne. Léon, pour les intimes, était le distributeur local de quelques marques de prestige dont, principalement, Hermès et...et? R-o-l-e-x!

Boutique, c'est peu dire, car pendant près de deux siècles le magasin Daguzé, situé au cœur de Nantes, 2 rue Crébillon, fut la référence du haut de gamme dans la région, à un pas de la place Royale (oui, à Nantes, on a une Place Royale, une place de la République et une place de Bretagne. A tout hasard, on a même gardé la statue de Louis XVI, élevé celle d'Anne de Bretagne et celle du général de Gaulle, comme ça on est paré de tous les côtés).

Près de deux siècles? C'est ce qui s'est dit dans la presse régionale (le Télégramme 03/03/2006 ) et nationale (L'Express 02/02/2006). Ce serait en 1820 que la maison Daguzé aurait ouvert ses portes à cette adresse. La rue Crébillon n'est pas encore l'artère rectiligne qui relie les deux principales places de Nantes (les travaux n'interviendront que vers 1838) mais l'emplacement choisi est de qualité. Mais mais mais mais mais...à cette date, elle n'existe tout simplement pas! Elle s'est appelée rue Goyon puis rue de Varennes. Ce n'est qu'en 1828 qu'elle change de nom. Ah! Ces journalistes!

[image]


Problème encore: aucune trace d'une quelconque joaillerie Daguzé à Nantes à cette époque! Au milieu d'une foule de Daguzé et de Daguze (c'est fou le nombre de Daguzé natifs de la région vendéenne!) et en cherchant bien je trouve enfin mon premier Daguzé exerçant cette noble activité. Il est né à La Jarrie, le premier mai 1855, d'un père huissier. Il se prénomme Raoul.

[image]


Ainsi, Raoul aurait créé ce bijou proposé aux enchères de l'hôtel des ventes de Montpellier:

[image]


Bon, je veux bien, mais il est le Mozart de la joaillerie, Raoul, pour avoir réalisé cette œuvre à l'âge de cinq ans! Conclusion: le bijou est plus tardif qu'annoncé. Ah! Ces experts!

Plus tard, la joaillerie présente un autre de ses chefs-d’œuvre, dû à Léon Daguzé, fils de Raoul, né le 31 décembre 1887 à Nantes. Cette fois, pas d'erreur possible, Léon est bien l'auteur de cette parure à «transformation», vedette d'une vente aux enchères à Monte Carlo en 2016:

[image]


[image]


Estimation: 150 000/250 000€

Adjudication: 1 800 000€ . Ah! Ces estimations d'experts!

Lors d'une autre cession, ce bracelet trouva preneur à 1700€ (hors frais):

[image]


Bien d'autres objets, de valeurs extrêmement variables, furent proposés par la Maison Daguzé:

[image]
Couvert à gâteau (eBay)[/center]

[center][image]
Service en métal argenté (eBay)


[image]
Plat creux saladier en argent( le Bon Coin)


[image]
Poudrier en cristal et argent des années trente
Hôtel des ventes de Nantes


[image]
Couvert en argent dit «de baptême»


Cette grande diversité de produits permet de toucher une vaste clientèle, recrutée dans tous les milieux, comme le prouve cette publicité parue dans la «Semaine Religieuse» de Quimper en 1955:

[image]


Vers la fin du XIXème siècle, apparaissent les premières montres et pendules:
Petite montre de dame en or jaune

[image]


[image]
Cannes Auction, vente octobre 2016


[image]
Pendule de voyage signée Daguzé à Nantes (Pinterest)


Après la Grande Guerre, Léon Daguzé est distributeur agréé Rolex, comme le montre cette publicité de 1932:

[image]


Le 1er janvier 1963, Léon Daguzé décède. Le commerce a été auparavant repris par son fils, Philippe Daguzé (11/1922-02/2012) puis par Hervé Williamson, fils de Robert Williamson (1886-1980) et de Marie Claire Daguzé, sœur cadette de Philippe.

[image]


Le 31 décembre 1986 est fondée la SARL Daguzé-Williamson, mais, en décembre 2005, Hermès, pétri de reconnaissance envers ceux qui l'ont soutenu pendant cinquante ans, entreprend d'ouvrir son propre espace de vente à quelques pas de là, à l'entrée du Passage Pommeraye, espace de vente où l'on mélange allègrement carrés de soie, costumes, sacs et montres.

[image]


[image]


Hervé Williamson, directeur et gérant de la joaillerie-bijouterie entreprend de grands travaux de rénovation afin de relancer l'activité. Sept personnes sont alors employées, dont un horloger, Hervé Tailleur, agréé Rolex, membre de l'équipe depuis 2001. C'était le bon temps où l'on pouvait faire entretenir sa 1601 sur place.

[image]


Ou sa Jaeger Le Coultre!

[image]


Hélas, l'affaire se termine mal et jamais Hervé Williamson, malgré tout son talent, ne parviendra à retrouver le chiffre d'affaire précédant le départ d' Hermès. La liquidation inévitable intervient en novembre 2008 et l'emplacement est occupé aujourd’hui par une boutique Maty.

[image]


A Rolex, Tudor, Jaeger Le Coultre, IWC, Boucheron, Bell & Ross, ont succédé Alpina, Lip et quelques Seiko.

Sic transit gloria...

Revenons à notre livre. Six cents exemplaires hors commerce. Sans en apporter la moindre preuve, je m'autorise à penser que ces ouvrages furent offerts par Hans Wilsdorf à ses distributeurs particulièrement méritants. Grâce lui soit rendue, car il est plutôt chouette ce bouquin.

Traitant de pièces d'horlogerie du XVIIème et du XVIIIème siècle, principalement des oignons et montres de gousset, issues de la collection de la Fondation, il est superbement illustré et les montres, horloges et pendules fort bien décrites. Un regret, cependant, on y voit trop peu de mouvements et l'aspect esthétique l'emporte sur le côté technique.
Je vous passe cependant quelques images qui feront, je l'espère, rêver quelques spécialistes que je salue au passage. Merci de m'avoir lu!
Kenavo.

[image] [image]


[image][image]


[image][image]


[image][image][image]


[image] [image]


[image]


[image]


[image] [image]


Et merci de m'avoir lu!

---
Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

LeonDeBayonne

24/10/17, 17:05
(Modifié par LeonDeBayonne
le 24/10/17, 17:19)


@ capitaine56
 

Un bouquin pas ordinaire

Bonjour Capitaine,

Belle trouvaille et surtout dans un très bel état.
Juste un petit commentaire, ce n'est pas l'édition qui est hors commerce mais l'exemplaire que vous détenez. Les éditions originales faisaient assez souvent l'objet d'un tirage numéroté sur grand papier (par grand papier, on indique la qualité du papier, pas la taille de la feuille) auquel s'ajoutaient quelques exemplaires Hors Commerce (réservés à l'éditeur et à l'auteur) et Service Presse (réservés à la presse). Quelques maisons d'édition continuent de procéder ainsi pour des auteurs connus (Editions de Minuit, collection blanche NRF chez Gallimard...), mais c'est de plus en plus rare.

capitaine56

Toujours près de la mer,
24/10/17, 17:15

@ LeonDeBayonne
 

Un bouquin pas ordinaire

Bonjour et merci de cette précision.

---
Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)

CAJM

AIX EN PCE,
25/10/17, 08:44

@ capitaine56
 

Un bouquin pas ordinaire

Bonjour Capitaine
Exceptionnelle trouvaille et quel beau développement
BRAVO et MERCI

ld-1910
[image]
le plus beau pays du monde...,
24/10/17, 20:45

@ capitaine56
 

Un bouquin pas ordinaire

Rédigé et documenté avec ce talent qui vous caractérise!
Vous lire est toujours un plaisir, merci Capitaine!
Bonne soirée
Laurent

---
il est toujours plus tard que l'on croit

290667 messages dans 23874 discussions, 42647 usagers enregistrés, 1310 usagers en ligne (1 enregistrés, 1309 invités) :
Sebp54
RSS Feed
powered by my little forum