LEOPOLD

25/08/13, 17:36
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin) (Articles)

Suite et fin:

Nous arrivons au musée Audemars Piguet.

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Ce bâtiment historique est le point de départ de toute l’histoire de la manufacture. C’est dans les combles de ce même bâtiment qu’Audemars et Piguet ont commencé leurs travaux en 1875.
Ici à gauche :

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Le bâtiment à droite abrite aujourd’hui le siège social de la manufacture, c’est celui que nous retrouvons sur l’une des premières photos de la revue, celle de groupe du CHA.

Mais le musée AP n’est pas un simple musée d’horlogerie. Il est bien plus que ça, car il contient dans ses combles l’atelier de restauration de la manufacture, comme un point de départ retrouvé plus d’un siècle plus tard.

Découvrir ce lieu historique encore en activité est une chance extraordinaire, et c’est Angelo qui a reçu notre petit groupe de passionnés.

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L’objectif de cet atelier est de faire retrouver à chaque pièce le même aspect qu’à l’époque où elle a été produite. Deux maîtres horlogers travaillent à temps plein sur la restauration, et les montres travaillées sont aussi bien des montres de poche que des montres-bracelets. Toutes ont plus de 30 ans et la grande majorité ont des complications.

Les deux établis et la vue de rêve sur la Vallée de Joux et la forêt du Risoux.


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Quelques outils d’époques, dont certains encore utilisés.

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Le travail de restauration va de la montre ancienne de clients (et donc SAV), à la restauration des montres du musée.

Environ 80% des montres du musée ne sont pas encore restaurées pour l’instant car c’est bien sur le client qui passe avant. Ils sont aussi menés à remettre en état les expositions itinérantes. Il y a aujourd’hui 9 expositions itinérantes Audemars Piguet autour du monde, contenant chacune entre 10 et 15 pièces, qui reviennent parfois dans cet atelier pour cause de mauvaise manipulation, verre cassé, etc.

Voici quelques exemples de montre terminée ou bien en attente d’acceptation de devis de révision.

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Et voici maintenant « La Merveilleuse », montre de poche de 1869 dont le cadran n’a pas pu être pris en photo pour des raisons de propriétés, car il a été personnalisé au nom de son propriétaire.
Elle possède 3 aiguilles centrales : seconde morte, chronographe et rattrapante. A 6h nous trouvons une foudroyante. Ajoutez à cela un QP, une grande sonnerie, et un réveil américain, c’est à dire réglable à la minute. Pour rappel, une grande sonnerie sonne les heures et les quarts à chaque quart d’heure passé.

Le devis est de 140h de travail, un petit mois. Mais c’est juste pour un entretien et quelques pivots à redresser, car en 2001 une remise en état complète de cette montre avait été faite, cette fois avec le changement de boite pour du full platine, et le cadran personnalisé.

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A cet instant précis, et depuis déjà quelques temps pour certains, nous sommes tous assommés. Même les plus gros trolls du groupe sont terrassés devant la qualité de ces pièces. Les photos ne rendent malheureusement pas aussi bien que la réalité, les sons des sonneries sont merveilleux, et la chaleur envoutante procurée par ces pièces est incroyable. L’expérience est unique.

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Mais ce n’est pas fini, car l’atelier restaure aussi des montres qui ne sont pas Audemars Piguet, comme par exemple cette superbe Audemars Frères (qui n’a rien absolument à voir avec AP). Elle possède encore sa boite d’origine, présentoir porte document.

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Audemars Piguet veut protéger ce savoir-faire de la région, ce patrimoine horloger cher à la Vallée de Joux, c’est pourquoi toutes les montres de grands horlogers disparus sont possiblement restaurables dans cet atelier. Depuis 1875 que la marque existe, toutes les montres qu’Audemars Piguet a pu produire sont restaurées ici.

Il y a une grande diversité des modèles, des mouvements, des complications. Et toutes ces créations sont refaites à l’identique, traditionnellement, par ces deux horlogers de 15 ans et 34 ans d’expérience chez AP.

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Lorsque la montre arrive à l’atelier, un devis est établi : ils démontent complètement la montre et font un devis en nombre d’heure de la restauration, c’est-à-dire de la fabrication des pièces manquantes. Cela peut énormément varier en fonction de l’état, de la complication, etc.

Il faut savoir qu’ils peuvent passer 3 jours rien que pour faire un devis. Le plus grand devis jamais réalisé est de 800h : il manquait le balancier, l’ancre, la roue d’échappement, la boite, le cadran… En clair il restait juste le mouvement, dont une partie rouillée. L’histoire ne dit pas si ce devis a été accepté, le total avoisinant les 100 000€.

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Aux côtés de nos deux maitres horlogers, on trouve encore un « archiviste », aujourd’hui sur un ordinateur et qui scanne les documents pour les rendre accessibles à toutes les filiales AP. On retrouve les dates de production, numéro de mouvement, complication, nom des clients ou bien quelques renseignements si le projet a été abandonné. Dans ce cas les pièces sont conservées comme nous le voyons ici.

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Les archives physiques accumulées depuis la naissance d’AP existent toujours, même si elles ont failli passer à la trappe à la belle époque des années 80. Ce patrimoine est un véritable trésor, il est d’ailleurs conservé dans un coffre-fort :

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Ces maîtres horlogers travaillent aujourd’hui comme ils faisaient à l’époque. Ils prennent la montre et assemblent tous les composants, la démontent pour la décorer. Une fois décoré ils remontent les pièces pour voir si tout fonctionne, ils redémontent, lavent puis remontent.

C’est comme cela que ça fonctionnait à l’époque et c’est toujours pareil aujourd’hui. Les plans sont toujours utilisés pour refaire les pièces anciennes à l’identique.

Par exemple, comment faire un timbre ? Voici le timbre.

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Un petit morceau d’acier est coupé, il servira à faire le plot. On prend du fil qu’on arrondit et on coupe pour faire deux anneaux qui sont de la taille du diamètre du mouvement mais qui ne touchent pas la boite. Ces deux fils donneront les tonalités.

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Une fois qu’ils sont faits ils sont soudés au laser au plot, on les chasse. On les recuit aussi par chauffage à une température donnée (illustrée ci-dessous par le tableau et les différentes couleurs que prend la pièce chauffée). La couleur que prend le métal indique de manière empirique le niveau de revenu, et à l'époque les horlogers donnaient même des appélations selon la couleur, comme "recuit au gros bleu" ou encore "recuit gorge de pigeon" pour la couleur bleu-violet, mais ca c'est bien avant que l'ingénierie apparaisse et que l'artisanat soit transformé en industrie.

La dureté et l'élasticité du métal conditionnent le son que va faire le timbre lorsqu'il est heurté par le marteau. Un métal trempé sera trop dur et va faire un bruit très aigu et froid, à la différence d'un métal revenu fortement qui sera moins dur et aura un son chaud et plus grave. On fait donc revenir le métal pour obtenir un joli son, puis on ajuste la longueur du timbre pour obtenir la fréquence de vibration et la note désirée.

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Avant le montage, on teste quand même la note : ici elle est un peu courte, il va donc falloir l’allonger, il faut accorder les sons en suivant des règles de calculs pour trouver la bonne tonalité et la cohérence des timbres entre eux.
La production d’un timbre nécessite entre 30 et 40h de travail, quasiment une semaine.

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Enfin, une fois la restauration achevée, un dossier de la montre est fait pour le client. Ce dossier contient la description et caractéristiques de la montre, des photos de la reconstruction, avant, après, et même pendant la restauration. Un mode d’emploi est aussi intégré, indiquant ce que le client peut faire et surtout ce qu’il ne doit pas faire avec la pièce. Tous les travaux effectués par l’horloger, et les exemples de décoration sont intégrés au document.

On trouve aussi une liste d’événements scientifiques, politiques et sportifs qui sont arrivés sur la planète à la date précise de construction de la montre pour situer l’époque. La manufacture garde une copie de ce document dans ses archives.

Nous quittons l’atelier de restauration remplis d’émotions, pour passer à l’étape finale de cette journée chargée : la visite du musée AP.

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Ici, le règlement intérieur de la manufacture en 1918. Plus de 58h de travail par semaine pour les horlogers !

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Le premier calibre de poche le plus plat du monde (1,32mm), 1925 !

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Publicité mouvement baguette, vers les années 30.

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La famille… la RO de poche est une découverte pour moi !

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L’origine.

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Décomposition grandeur nature de RO…

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Et vous, plutôt tourbillon chronographe ou sonnerie ?

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Et pour finir, un peu de carbone forgé.

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Je tiens particulièrement à remercier Carole Riaute, Michel Golay, notre guide Denis, ainsi que l’ensemble du personnel Audemars Piguet pour leur accueil, leur gentillesse, les explications fournies tout au long de la visite, et surtout l’énergie déployée pour rendre cette visite possible. Cette journée a été une expérience inoubliable pour le Cercle Horloger Amateur.


Cette visite s’est déroulée dans le cadre d’un séjour (très chargé) du CHA en Suisse dont vous trouverez bientôt les compte-rendus. Attention les yeux, car cela continue très fort toujours dans la haute horlogerie, mais aussi avec des indépendants.

Pour les provençaux et amis de passage dans le sud, sachez que vous êtes les bienvenus à nos rendez-vous mensuels, qui se déroulent chaque fin de mois à Marseille. Pour nous rejoindre, contactez Dommars ou moi-même par MP. Vous pouvez aussi rejoindre notre groupe facebook pour suivre les actualités du CHA.

Enfin, il reste encore quelques places pour notre weekend Montres & Plongée 2013 du 14/15 Septembre, où nous accueillerons cette année Blancpain pour fêter les 60 ans de la Fifty Fathoms, c'est l’événement annuel incontournable du CHA, ca se passe à Marseille et c'est à ne pas rater !

A+

marxitude
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Page d'accueil25/08/13, 17:44

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

bonjour et merci pour ce superbe travail,

les photos sont a tomber !!!!!

MAGNIFIQUE :ok:

j'ai adoré l'explication sur les notes de musique ainsi que la façon d'accorder les cercles de métal .

je comprends les prix stratosphériques de ces beautés .

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REFUSE TO USE CHRONOAGENT.IT

fb
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Page d'accueildigne-les-bains,
25/08/13, 18:33

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

Merci léopold pour ce superbe reportage.

Si tu le permets, juste petite critique, il est un peu trop axé Royal Oak, alors que quelques Jules ou Millenary valent largement le déplacement

amitiés

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Fabrice

LEOPOLD

25/08/13, 18:38

@ fb
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

» Merci léopold pour ce superbe reportage.
»
» Si tu le permets, juste petite critique, il est un peu trop axé Royal Oak,
» alors que quelques Jules ou Millenary valent largement le déplacement
»
» amitiés

Tu as parfaitement raison Fb, mais la Royal Oak représente 80% des ventes d'AP.
Lors de notre visite nous n'avons vu quelle sur les établis.
;-)

fb
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Page d'accueildigne-les-bains,
25/08/13, 20:53

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

»
» Tu as parfaitement raison Fb, mais la Royal Oak représente 80% des ventes
» d'AP.
» Lors de notre visite nous n'avons vu quelle sur les établis.


je le sais bien, n'empeche que c'est dommage !

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Fabrice

Pascal
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25/08/13, 21:47

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

Un grand merci pour ce compte rendu très complet ! Et, ce qui ne gâte rien, les photos soignées sont très agréables à regarder autant que le texte est agréable à lire ! :clap:

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"Faire face"

Jeff d'Alsace
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France,
26/08/13, 06:56

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

Bonjour,
Reportage exceptionnel, technique, un régal à lire. Un grand merci pour ce partage!

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Jeff.

villerville (modérateur)
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26/08/13, 10:56

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

Merci et bravo pour ce reportage qui transcrit très bien bien ce que l'on éprouve quand on visite une manufacture telle qu'AP et apporte des informations précieuses.
Il est remarquable qu'il vous a été loisible de prendre de telles photos (très belles). Jaeger LeCoultre, par exemple, organise bien des visites de ses ateliers, mais interdit les photos.

Cordialement,

V.

LEOPOLD

26/08/13, 13:05

@ villerville (modérateur)
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

AP nous a accueilli chaleureusement, et nous a fait visiter le plus naturellement du monde ses ateliers .
Peu de choses ont été interdites de prise de vue.
Bref on a été des gamins dans un magasin de jouets....on est parti avec une super banane.
;-)

birdy1962
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Lausanne, Suisse,
26/08/13, 22:05

@ LEOPOLD
 

Immersion au coeur de la manufacture AP (suite2 et fin)

tres tres bien ce CR

mille bravos !!

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Si toutes les femmes étaient fidèles, il n'y aurais pas d'hommes infidèles !

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