La PPP (Revues & Essais)

posté par capitaine56 , Toujours près de la mer, 15/01/18, 16:12
(Modifié par capitaine56 le 15/01/18, 17:34)

A la demande générale et unanime d'un membre actif de Chronomania suite à un récent article sur l'horloger de Trellières, voici aujourd'hui la présentation de :

La PPP

Bien entendu, vous connaissez tous la « PPP »

Ceux qui ont répondu « non » se trompent.

Vous en avez forcément vu une, un jour, chez l'un de vos vieux parents, sur un site d'annonce, sur un forum horloger étranger, sur le bar d'en face, que sais-je, mais pas nécessairement sous l'appellation non contrôlée « PPP » que je viens d'inventer.

Elle lui va bien, cette appellation « PPP » qui signifie : Pendule Pompe à Pognon. Vous pouvez dire aussi Pendule Pique Pépettes, la marque n'est pas déposée.

pourquoi Pendule Pompe à Pognon ?

J'explique.

Au temps déjà lointain qui vit le développement de l'assurance-vie, le règlement des échéances ne s'effectuait pas par virement ou prélèvement sur un compte bancaire. Chaque quinzaine ou chaque mois, selon les contrats, un agent se présentait au domicile du souscripteur pour recueillir en monnaie sonnante et trébuchante le versement dû par le susdit.

Le problème était que, bien souvent, le compte n'y était pas : le petit avait eu la rougeole, le vélo était tombé en panne, la grand mère avait fait une mauvaise chute, le prix du tabac avait augmenté, bref, on n'avait point de sous à verser à l'encaisseur qui repartait Gros Jean comme devant et devait revenir une fois, deux fois...

Lassé par ces retards incessants, un membre d'une compagnie d'assurance eut une idée géniale. Si nous ignorons le nom de l'inventeur, nous connaissons son œuvre :

La PENDASTRAVA, marque déposée, à l'inverse de la PPP

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Traduisez : la PENDule d' ASsurance TRAvail, le « Travail » étant le nom de la compagnie.

Le principe est simple :

On refile en dépôt à l'heureux assuré une pendule.

La dite pendule, bien entendu, donne l'heure, mais sous condition suspensive : il faut la nourrir chaque jour, selon le modèle et le contrat souscrit, d'une pièce d'un franc ou deux, glissée dans une fente ad doc astucieusement disposée au sommet de l'engin ; faute de quoi celui-ci se bloque pour le plus grand désespoir de la famille qui ne dispose peut-être pas, va savoir, d'un autre « garde-temps ».


On s'empresse donc de l'alimenter afin qu'elle redémarre, pour le plus grand bonheur de l'agent d'assurance et de sa compagnie qui vient pomper son dû à chaque échéance. Tant pis pour la rougeole du petit, la chaîne du vélo, le col du fémur de Mère Grand. Quant au tabac, on prisera moins et on supprimera la chique.

Pour ponctionner les braves assurés, l'agent dispose en exclusivité d'une clé qui donne accès à la tirelire. Il ouvre le tiroir-caisse, prélève le pognon, referme, scelle d'un cachet rouge et bonjour Messieurs-Dames. Le quidam se fait piquer son oseille en douceur, l'agent ne se déplace qu'à coup sûr. CQFD.

Trois modèles de Pendastrava ont été conçus, équipés pour recevoir différentes pièces de monnaies. Voici des photos de ces dames, piquées, bien entendu, de ci de là sur Google et tout particulièrement sur le site du Musée Horloger LORRIS, sur Forum à Montre et sur EBay.

Le type A

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Le type B

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Le type C

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Vous noterez au passage que la Compagnie « Le Travail » ne se moquait pas totalement du client : qualité esthétique dans le goût des années trente, choix des matériaux : Thuya, citronnier, bois de rose, cadran émaillé, lunette et pieds en bronze, s'il vous plaît.

L'objet restait la propriété de la compagnie pendant un an, après quoi, si le souscripteur avait bien payé son dû, elle lui revenait. Il pouvait même, si bon lui semblait, cesser ses versements et bidouiller la pendule à son gré. Là, c'était le mauvais plan, bien sûr, qui entraînera peut-être en partie la déconfiture de la compagnie.

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Bien que le système ait été breveté, comme toute nouvelle idée celle-ci fut rapidement imitée.

La grande manufacture « Zénith » sentit le bon coup et se hâta de proposer à d'autres compagnies d'assurance sa propre pompe à sous. Double avantage pour l'entreprise horlogère :

-Elle vendait des horloges aux assureurs, assez généralement réputés bons payeurs,

-Son nom se trouvait affiché dans toutes les chaumières et s'inscrivait dans les cervelles les plus obtuses.

Le nom de la compagnie d'assurance, lui, n'avait le droit de figurer que dans le mini encadrement de la fente de la tirelire.

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Oublions la qualité du plumage, rien à voir avec celui de la Pendastrava :

une bête boîte parallélépipédique au dos en contreplaqué massif, un vague décor de chaque côté en bon vieux sapin et roule ma poule. Pas de quoi hurler d'enthousiasme devant le design d'avant-garde.

Les plus chanceux (ou plutôt ceux qui crachent le plus au bassinet) reçoivent la pendule avec un cadran protégé par une vitre délicatement bombée entourée d'acier, mais toutes n'en sont pas pourvues.

Pis même, il existe une version de base qui se contente d'être un parallélépipède.

Le type « luxe »

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le type « courant »

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le type « basique » (sans calendrier)

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Deux modèles côte à côte:

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Sur le plan du ramage, par contre, la Zénith l'emporte haut la main :

-Calendrier complet, jour, date, mois.

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Merci Chronomania

-Carillon à trois notes sonnant les heures et les demis, tout bien, quand la Pendastrava doit se contenter d'une seule note.

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Merci Chronomania

Parlons-en, tiens, du calendrier complet!

A l’instar de certains chronographes LIP chinois bien connus des années 2000, il court jusqu'au 39 du mois. Heureusement, l'encaisseur survient à temps pour rectifier le tir avec ses petites mains délicates en tournant les rouleaux lorsque le tiroir-caisse est ouvert.

D'autres marques se lancèrent apparemment dans l'aventure. J' en ai trouvé deux exemples, sur FAM, mais il ne s'agit que de réveils, au même usage, mais moins imposant.

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Le second modèle tend à prouver qu'il n'y avait pas que les Français qui se faisaient ponctionner.

Je ne me risque pas dans la description détaillée du mécanisme Piège à Pièces : d'autres l'ont fait avant moi et avec un tout autre talent. Je glisse juste un schéma et une photo du bidule :

Chez Zénith:

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Chez Pendastrava:

Tout nu

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Habillé

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La mode de ces « chères » pendules perdura jusque dans les années 1950/60, quand les chèques et les prélèvements prirent le relais. Les propriétaires alors se hâtèrent de faire sauter le dispositif de blocage et le monnayeur, transformant la Pompe Pendastrava ou la Pompe à Pépettes Zénith en bête pendule, ce qui ôta tout intérêt ou presque à l'engin et qui permit à celle qui, par chance, n'avait pas été mutilée, de garder une petite cote auprès des amateurs.

D'aucuns prétendent que ces machines n'offrent aucun intérêt horloger, leurs mouvements étant de la plus banale rusticité. Laissons dire: mouvement en acier, spiral de Breguet, bof...

Les survivantes, plus de 80 ans après leur naissance, se portent comme des jeunes filles et la sonnerie de la Zénith, que l'on peut d'ailleurs arrêter, bien que lancinante, ne manque pas d'harmonie.

Cela dit je suis à la recherche d'un monnayeur pour rééquiper la Zénith qui m'a été fourguée naguère par un très éminent et très respecté membre de notre forum et d'un second pour rééquiper aussi la deuxième Zénith identique que j'ai achetée et offerte à un non moins éminent membre de ma proche famille dont le principal défaut était d'exercer il y a peu encore la profession d'assureur.

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Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon Grand Père qui me l'a vendue sur son lit de mort (W. Allen)


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