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Le château de cartes de Perrelet SA (Revues & Essais)

L’ère industrielle de l’horlogerie suisse vit éclore une multitude de marques dans la Watch Valley. La crise du quartz des années 1980 faillit laisser toute cette industrie sur le carreau si ce n’est pour quelques consortiums, marques et fournisseurs qui réussirent bon gré mal gré à survivre. Tout comme la dynastie du Danemark, la dernière en Europe à pouvoir revendiquer une ascendance ininterrompue remontant au XIe siècle, il restait quelques marques dont le prestige perdurait depuis plus d’un siècle. Dans l’univers de l’horlogerie, s’il est peu de marques qui peuvent se targuer d’une histoire ininterrompue, il en est encore moins qui peuvent se vanter d’être restées aux mains d’une seule lignée de gestionnaires depuis leur création. Rolex est la seule qui me vient à l’esprit (les suggestions sont les bienvenues).

Un deuxième âge d’or arriva, favorisé par la consolidation du Swatch Group, la conséquente disponibilité d’ébauches abordables étampées par ETA et un intérêt naissant pour la montre mécanique sur des marchés tels que l’Italie, l’Allemagne ou le Japon. Avant la crise des subprimes, le collectionneur recherchait avant tout une légitimité historique et la tentation était forte pour les spéculateurs, financiers et entrepreneurs d'exploiter une marque jadis réputée mais désormais endormie: une « belle au bois dormant ».

Arnold & Son, Badollet, Bovet, Breguet, Chronographe Suisse, Cuervo y Sobrinos, Dubey & Schaldenbrand, Enicar, Gevril, Graham, Guinand, H. Moser & Cie, Jaquet Droz, JeanRichard, Léon Hatot, Lip, Louis Moinet, Louis Erard, Marvin, Milus, Perrelet, Shellman et Vixa sont autant d’exemples de belles au bois dormant ramenées à la vie par le doux baiser de leur prince charmant.

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Abraham-Louis Breguet


Abraham-Louis Breguet, que l’on met en avant comme le plus inventif des horlogers, est sans doute la « reine » des belles au bois dormant. Les droits d’exploitations de son nom ont aboutis dans l’escarcelle du Swatch Group sous l’œil attentif de Nicolas Hayek Senior, dont l’intention était d’en faire la marque horlogère la plus prestigieuse. La communication de Breguet SA s’étend aujourd’hui en long et en large sur l’histoire de l’horloger, mais il n’est peu ou prou fait mention des circonstances et de la date à laquelle les droits du nom ont été repris.
Un manuel d’histoire horlogère publié en 1952 par Alfred Chapuis et Eugène Jaquet attribuait à Abraham-Louis Perrelet quelques exemplaires non signés de montres à remontage automatique datant du 18e siècle. Les manuels d’histoire relatent également qu’Abraham-Louis Breguet « aurait racheté à son prédécesseur Perrelet de nombreuses pièces pour les améliorer ».

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Abraham-Louis Perrelet


Dans une logique de « la mienne est plus grosse que la tienne », un groupe d’associés obtint les droits d’exploitation du nom Perrelet et fonda Perrelet SA, une entreprise horlogère qui pouvait revendiquer une tradition, plus longue encore que celle de Breguet. Perrelet SA fit enregistrer la marque déposée « Inventeur de la montre automatique » en français et en anglais, pour bien faire rentrer dans la tête de l’amateur d’horlogerie toute la légitimité de cette marque.

C’était en s’appuyant sur la thèse de Chapuis selon laquelle Perrelet serait l’auteur de ces montres automatiques anonymes du 18e siècle.

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L'une des fameuses montres à l'origine de la polémique


En 1993, au terme d’une recherche méticuleusement documentée (lire également cette discussion sur Wikipedia), Joseph Flores remit en question la thèse de Chapuis, qui était d’office relayée d’un ouvrage à l’autre depuis 1952 car considérée comme indisputable. Ces montres non signées ne seraient pas de Perrelet mais de Hubert Sarton, un horloger et inventeur citoyen de la principauté de Liège, territoire resté indépendant à travers l’histoire jusqu’à son intégration à la Belgique en 1830.

Chacun des relayeurs est évidemment embarrassé de reconnaître la thèse de Flores, ce qui reviendrait à avouer du bout des lèvres qu’ils n’ont pas consciencieusement fait leur travail d’historien avant de publier leurs ouvrages. C’est surtout la société Perrelet SA qui est embêtée, car si Perrelet n’en a pas une de plus grande que Breguet (de légitimité), c’est toute leur stratégie de communication qui s’écroule comme le château de carte qu’elle était.

Il ne reste plus à la thèse Perrelet que des présomptions, tandis que la thèse Sarton est soutenue par des documents d’époque dont la découverte fut relayée pas le journaliste horloger Gregory Pons sur son site Businessmontres.com.

De son coté, Perrelet SA continue la politique de l’autruche et continue à signer ses montres de la marque déposée « Inventeur de la montre automatique », comme sur leur collection récemment dévoilée: la First Class. C’est ce qui fait prend la mouche à Martin Péneau, l’éditeur du Blog des montres:

« …que Perrelet ignore aujourd’hui les travaux de Flores est inacceptable, et grave dans l’acier “Perrelet, inventeur de la montre automatique” et place cette maxime sous son logo est une publicité mensongère! »

Je pense que les actionnaires de Perrelet SA feraient preuve d’une grande maturité en admettant qu’ils ont misé sur le mauvais cheval et en ajustant leur communication à la réalité historique mise à jour. Cela n’enlèverait aucun mérite à leurs montres. J’ai eu l’occasion de prendre en main quelques modèles récentes, et Perrelet SA fait un remarquable travail de valeur ajoutée. Les mouvements sur base ETA sont complètement modifiés au niveau esthétique, et je ne doute pas qu’ils apportent la même attention à la mécanique et aux finitions de surface. Ce sont de très belles pièces qui valent leur pesant d’or, et selon la définition que j’ai expliquée précédemment, Perrelet SA mérite parfaitement le qualificatif de manufacture.

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De plus, les temps ont changé. Le collectionneur de l’avant crise des subprimes recherchait avant tout un pedigree. Avec la surenchère de l’offre des années de vache grasse (2002-2007), des concepts abscons tels que manufacture, nouvelle horlogerie et haute horlogerie ont changé la donne. Le collectionneur de montre ne place plus nécessairement la légitimité historique en premier, mais il recherche avant tout un objet à forte valeur mécanique ajoutée. Les horlogers morts et vifs restent très appréciés, mais les marques sans personnage ni héritage à mettre en avant n’en jouissent pas moins d’une aura: Bedat & Cie, Cvstos, D´Aguet, De Bethune, DeMonaco, Frederique Constant, Georges V, Hautlence ou Jacques Etoile sont autant de nouveaux venus de nulle part qui n’en rencontre pas moins de succès.

Ce qui m’interpelle, c’est que Flores s’était manifesté depuis 1993, et qu’entretemps personne n’a négocié avec les descendants d’Hubert Sarton les droits d’exploitation du patronyme de leur ancêtre. Il y a quelques décennies son descendant, lui-même horloger, partait en retraite. Il n’aurait pas été impossible d’attribuer un « rôle figuratif » à ce descendant au sein d’une nouvelle marque, comme c’est le cas pour Jack Heuer chez TAG Heuer, Walter Lange chez Lange & Söhn ou encore Roger Nicholas Balsiger chez H. Moser & Cie.

Quoi qu'il en est, Perrelet SA devrait probablement faire enregistrer la marque déposées "Second inventeur de la montre automatique" et commencer à l'utiliser sur ses montres. Mais à lire l'un des commentaires de Flores sur l'article de Péneau, l'erreur d'attribution ne serait que la pointe de l'iceberg: les documents d'époque font mention de plusieurs Perrelet(s) et d'un Perlet.

Dissertation reprise de ZeWhiteRabbit.com sous licence Creative Commons.

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Ze White Rabbit
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@ Ze White Rabbit

addendum: lien Perrelet-Soprod

Dans le registre du commerce un dénommé Miguel Rodriguez devient member du conseil d’administration de Perrelet SA le 30/05/2006 pour ensuite être nommé président le 05/10/2007. Il ne s’agit d’autre que du fondateur de Festina Lotus SA, groupe devenu propriétaire en automne 2008 de l’ensemble Soprod (ex-SFT) cédé par son partenaire Peace Mark, alors en difficultés. Ceci explique donc les moyens dont dispose Perrelet pour apporter une valeur ajoutée mécanique à ses produits.

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Montage de Horlogerie-suisse.com

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JoeldeToulouse


04/06/10, 16:40

@ Ze White Rabbit

Dans les cartes il y a un joker....

Merci cher White Rabbit de ce post sur un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d'encre.
Je nuancerai ton propos sur deux points.

1. Les belles au bois dormant. Il y a pour moi une grosse différence entre faire revivre une marque et spolier le nom d'un horloger. Breguet et ses descendants ont fait des montres au 18, 19 et 20e siècle et faire revivre cette marque n'a rien de choquant. Arnold, Gevril, Perrelet, Graham sont des noms d'horlogers célèbres qui ont été volés par des gens sans scrupules pour se faire à bon compte une réputation usurpée.

2. Perrelet, parle dans sa communication de l'invention de la montre automatique. Il ne disent pas aujourd'hui de la montre automatique "à rotor". La dynastie des Perrelet (il y a en effet plusieurs horlogers portant ce nom) a sans beaucoup de doute fabriqué des montres "qui se remontent d'elle-même" dès les années 1770. Sarton a lui clairement inventé le rotor mais il n'a pas nécessairement été le premier à faire des montres automatiques utilisant d'autres moyens. Le terme "montre à secousse" a été utilisé à cette époque et semble montrer que des systèmes à masses oscillantes non centrées ont été imaginés.

Il faut donc rendre à Sarton ce qui est à Sarton et à Perrelet ce qui est à Perrelet. En bref Sarton a inventé la montre automatique à rotor, Perrelet a fait des montres automatiques dans les années 1770 probablement avant Sarton et Breguet, et le nom Perrelet a été volé a sa descendance...

Joe_Cool

04/06/10, 21:05

@ JoeldeToulouse

Dans les cartes il y a un joker....

»
» 2. Perrelet, parle dans sa communication de l'invention de la montre
» automatique. Il ne disent pas aujourd'hui de la montre automatique "à
» rotor".

on peut toujours jouer sur les mots une fois que l'on a été pris les mains dans le pot de confiture.. comme TAG et son calibre maison japonais.. c'est juste de la sémantique pour essayer de noyer le poisson..

S'ils veulent être un minimum crébibles ils doivent retirer cette formulation de leurs publicités.

---
Ne cédons pas au chantage de Chronoagent.it

joflo


02/08/10, 20:14

@ Ze White Rabbit

Le château de cartes de Perrelet SA

Salut
Un ami m'indique que ce post est apparu sur Google en première page, sous Abraham Louis Perrelet, je viens participer car bien sur, "vingt fois sur le métier...etc."

soyez convaincu que la tournure prise par cette "affaire", n'est pas faite pour me réjouir
Je pensais bien franchement que la présentation que j'ai faite en 1993 du document de l'Académie, serait évidemment prise en compte par les historiens, tant elle est révélatrice, les industriels, ne faisant que suivrent.
ça n'a pas été le cas, et le croquis qui est venu confirmer à 1000% ce que le rapport nous avait appris, n'a pas fait plus d'effet sur ces même historiens.
En bref, si Sarton et son dispositif à rotor avait été pris en compte, dès le début, je ne me serais pas trouvé dans l'obligation de remettre des couches sans cesse, pour maintenant avoir trouvé que même l'existance d'Abraham Louis Perrelet comme horloger, est remise en question, puisqu'aucun document ne peut réellement indiquer de quel Perrelet il est question, et surtout ce qu'il aurait éventuellement fait en horlogerie.
Que ceux qui se sont accrochés à une légende, s'en prennent qu'à eux mêmes car à plus ou moins long terme l'Histoire se fera, c'est une certitude.
A+
jojo

Mnementh

Autan en emporte le vent,
03/08/10, 00:10
(Modifié par Mnementh
le 03/08/10, 00:31)


@ joflo

Le château de cartes de Perrelet SA

Bonsoir Joseph,

La réponse de Perrelet SA est savoureuse :

"Pour l’heure, les historiens horlogers n’ont pas démenti leurs versions."

et pour cause... ils sont morts :lookaround:
Perrelet, sauf à tourner le guéridon, peut attendre tranquillement.

Les survivants, repreneurs-colporteurs, ne démentiront certes pas ce qu'ils se sont contentés de répéter.

Isaac Asimov dénonçait dans Fondation cette notion abâtardie de la science historique qui consiste à lire les écrits des historiens antérieurs, peser le pour et le contre et choisir sa version. :capelo:

La recherche historique ne peut, ne doit pas, se contenter de reprendre en boucle les mêmes "données" dès lors que de nouveaux documents se présentent à l'attention.

Å:-P

---
Rien ne va de soi...

joflo


03/08/10, 09:21

@ Mnementh

Le château de cartes de Perrelet SA

Bonjour Mnementh, et merci pour tes remarques

La phrase que tu relèves "Pour l’heure, les historiens horlogers n’ont pas démenti leurs versions"prouve ce que j’ai dit, à savoir que les industriels suivent les historiens
Mais la question subsidiaire serait de donner les noms de ces historiens, parce que moi je suis bien connu, mais qui sont ceux qui n’ont pas démenti ? Chapuis est mort, mais combien d’autres ont repris – et reprennent encore – ce qu’il a dit ?
Voici un bel exemple de diffusion plus que douteuse, sous la plume de M Tortella
http://www.worldtempus.com/fr/actualites/a-la-une/detail/article/1271919417-perrelet-linventeur-du-mouvement-automatique/

Je profite pour aussi dire à joeldetoulouse
Il nous dit
Arnold, Gevril, Perrelet, Graham sont des noms d'horlogers célèbres

Pour celui qui nous concerne, j’aimerai savoir ce qu’il à fait… et pour ça il y a juste à comparer avec ce qu’on fait les autres noms cités

Et encore :
Ils ne disent pas aujourd'hui de la montre automatique "à rotor"

C’est juste et même la marque déposée, ne donne pas de dispositif
J’aimerai bien qu’on m’explique comment on peut inventer un principe, qui en fait n’est qu’une idée, et tant que cette idée n’a pas été concrétisée par un dispositif, il me semble qu'il ne peut y avoir invention...

Qui peut me dire qui est l’inventeur de l’échappement ?

Maintenant si vous ajoutez le nom d’un dispositif comme l’ancre, le cylindre, la détente,etc. les choses sont claires
En automatique c’est la même chose, il faut ajouter soit rotor, soit masse latérale, etc. et avoir un texte qui le décrit
Bonne journée
jojo

Austin
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03/08/10, 09:58

@ Ze White Rabbit

Le château de cartes de Perrelet SA

Question bête : ne peut-on pas porter plainte contre Perrelet pour publicité mensongère ?

Car on sait pertinemment que l'industrie horlogère suisse dans son ensemble, freinera toujours des quatre fers, pour reconnaitre la légitimité d'un non-suisse.
La justice serait certainement plus impartiale, non ?

Algado


03/08/10, 10:22

@ Austin

Boof

:(

joflo


03/08/10, 10:23

@ Austin

Le château de cartes de Perrelet SA

» Question bête : ne peut-on pas porter plainte contre Perrelet pour
» publicité mensongère ?

Non merci l'histoire ne se fait pas dans les prétoires, et je l'ai dit la Maison en question s'appuient sur certains historiens

que faire alors pour les faire changer d'avis ? Seul le temps fera son oeuvre, à nous de lui donner des éléments qui lui seront utiles

Et au juste pourquoi personne ne porte plainte contre moi ?

jojo

Algado


03/08/10, 10:25

@ Ze White Rabbit

Toujours le même procès

Dans tous ces procès il point une once de regrets, sorte de fil conducteur des amoureux de la tradition : l'horlogerie suisse a tout pris aux français, aux belges et autres magnifiques inventeurs...

C'est l'histoire sans cesse répétée de la carte à puces inventée par un français mais exploitée par des américains.

Le siècle des lumières s'est terminé dans un bain de sang et les révolutionnaires n'ont pas seulement fait fuir des nobles, fussent-ils scientifique et pré-découvreurs de la relativité, ils ont créé un siècle de violences de troubles et ce n'est pas terminé aujourd'hui.

Les horlogers se sont installés en Suisse, pour sa stabilité politique et donc économique et la tradition du travail bien fait, et n'auraient sans doute survécu nulle part ailleurs qu'au Japon...

Le reste ? Boof.

JoeldeToulouse


03/08/10, 10:29

@ joflo

Les perrele

Bonjour Joseph

Austin
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03/08/10, 10:38

@ joflo

Le château de cartes de Perrelet SA

» Et au juste pourquoi personne ne porte plainte contre moi ?
»
» jojo

Parce que ça reviendrait à ce que je suggère, à savoir mettre l'histoire entre les mains de la justice.

Tu as certainement raison, le temps va jouer pour Sarton.
Néanmoins pour le spectateur que je suis, il est insupportable de voir des entreprises (je n'appelle pas ça une maison, car une maison a un minimum d'honneur) agir de la sorte.

JoeldeToulouse


03/08/10, 10:46

@ joflo

Les Perrelet ont-ils existé ?

Bonjour Joseph
Tout à fait d'accord avec toi sur la difficulté à trouver trace des Perrelet suisses (les réalisations des Perrelet français sont plus faciles à suivre).
En fait l'un des seuls textes sur Abraham-Louis Perrelet est celui-ci, tiré de L'Histoire Populaire du Pays de Neuchatel, par le Pasteur Louis Junod édition de 1863, soit près d'un siècle après la réalisation des premières montres automatiques. Ce texte fait d'ailleurs référence à un autre texte, c'est donc un peu l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours....
On ne peut donc probablement pas douter de son existence mais en revanche s'interroger sur ce qu'il a réalisé.


"On trouve dans la notice suivante, publiée par M. L. de Meuron, ancien châtelain du Landeron, tout ce que l'on sait sur le fondateur de notre horlogerie: « Jusque vers la fin du 17me siècle, la seule industrie exercée dans ces montagnes couvertes de pâturages et de forêts, et peu peuplées alors, se bornait à la fabrication de quelques instruments d'agriculture, de faulx, depiques en fer et d'armes: on n'y avait point encore vu de montre, lorsque le hasard fit tomber la première entre les mains de celui dont elle allait éveiller les talents et le génie. Daniel Jeanrichard dit Bressel, naquit à la Sagne, en 1665. Il montra de bonne heure un goût décidé pour la mécanique; dans son enfance, il s'amusait à fabriquer avec un couteau de petits chariots en bois et d'autres machines plus compliquées: son père le voyait s'occuper à regret d'objets futiles et peu propres, selon lui, à lui faire gagner sa vie; cependant, il apprit la profession de serrurier, et toute son habileté dans la mécanique s'exerçait à raccommoder les grossières horloges en fer qui étaient généralement en usage, lorsqu'en 1679; un marchand de chevaux, nommé Péter, passant par la Sagne, et ayant entendu vanter l'adresse du jeune Jeanrichard, lui fit voir une montre qu'il rapportait de Londres et qui s'était dérangée pendant le voyage. Le jeune homme l'examine et lui promet de la réparer; son père, présent à la conversation , tance vertement son fils, et lui reproche sa présomption qui lui fera gâter cette montre précieuse, qu'il ne serait en état ni de remplacer, ni de payer; le jeune homme insiste, et le propriétaire de la montre, pour mettre d'accord le père et le fils, dit qu'il en fera le sacrifice et qu'en attendant il la confie au jeune Jeanrichard pour l'examiner et essayer de la raccommoder, dût-il achever de la gâter. Jeanrichard, transporté de joie, l'emporte, se met à l'ouvrage, et parvient à la faire marcher. Encouragé par ce premier succès, il essaie d'en faire une semblable, et seul, sans outils d'horloger, sans modèle, à force de temps et de patience, il parvient au bout de six mois, à en achever une, dont le mouvement, le cadran, la boîte et la gravure, étaient de sa main: il était devenu horloger.

(...)

» Au commencement du siècle passé, il quitta la Sagne pour aller s'établir au Locle; là, il enseigna son art à ses cinq fils et forma quelques élèves, parmi lesquels se distinguèrent l'ancien Favre, Jonas Perret-chez-l'hôte, Prince, Jacob Brandt dit Grierin, de la Chaux-de-Fonds; il put jouir des progrès croissants de cette industrie qui, après lui, devait devenir si florissante. 11 mourut en 1741. Onze ans après sa mort, en 1752, on comptait déjà dans nos montagnes quatre cent soixante-six ouvriers horlogers. »

L'ancien d'église, Abram-Louis Perrelet, montra aussi du génie dans cet art. Il naquit au Locle en 1729 et y mourut en 1826. Son père était charpentier et agriculteur; jusqu'à l'âge de 20 ans, il aida son père dans ses différents travaux. Il fabriquait de petits soufflets élégants, qu'il allait vendre à Neuchâtel. A vingt ans, il entra en apprentissage chez un nommé Prince qui travaillait peu et mal ; il n'y resta que quinze jours; on peut donc dire qu'il fut son propre maître. Il inventa plusieurs outils, en particulier l'outil à planter et l'outil à arrondir; il trouva le mécanisme des montres à secousses qui se remontent d'elles-mêmes, et qui ont été plus tard perfectionnées par Abram-Louis Breguet. Dès qu'on était embarrassé dans un travail, l'on disait: il faut alla trova Vanchan Perrelet, et toujours il savait vous tirer d'embarras.

Il fabriquait l'intérieur de la montre d'un bout à l'autre: il commençait par forger un morceau de laiton brut pour la platine, faisait l'ébauche, le finissage, les pignons, les dentures, l'échappement, le remontage, en un mot tout le mécanisme. Il mourut à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans six semaines. « Venez, disait M. le pasteur Grellet dans son oraison funèbre, faire vos derniers adieux au patriarche de nos montagnes, à l'un des modèles du troupeau, et l'un des fondateurs de notre industrie et de notre prospérité. »

Louis-Frédéric Perrelet accompagnait un jour son grandpère, Abram-Louis Perrelet, qui visitait une usine; l'enfant, de retour à la maison, se mit à fabriquer de petits martinets et à les faire fonctionner au moyen de l'eau; le grand-père, les ayant vus, lui dit de venir au Verger (endroit du Locle où il demeurait), qu'il lui apprendrait l'horlogerie. L'enfant devint un habile horloger, alla à Paris et fut un des meilleurs ouvriers de Breguet. Il fit une pendule astronomique qui remporta le prix en 1823. Il composa des machines pour l'école polytechnique et le Conservatoire des arts et des métiers. Arago le citait dans ses cours d'astronomie, et Alexandre de Humboldt le visita et lui commanda des instruments pour l'observatoire de Berlin. En récompense des services qu'il a rendus à la science, il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur."

Mnementh

Autan en emporte le vent,
03/08/10, 10:48
(Modifié par Mnementh
le 03/08/10, 10:55)


@ Algado

Toujours le même procès

Les persécutions religieuses à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes avaient provoqué un exode d'industrieux protestants bien auparavant.

La Révolution Française a certes entrainé quelques exils mais Breguet lui-même s'empressa de revenir en France dès qu'il en eut l'occasion. Aristocrates et religieux revinrent dans les fourgons de la Restauration. Bien peu d'horlogers parmi ces brillants esprits ?

L'Histoire de la Confédération n'est pas si calme et paisible que l'on veut bien le dire... Les Suisses ne furent-ils pas d'ailleurs parmi les meilleures troupes mercenaires d'une Europe ensanglantée.

Revenons à la théorie "du complot"... Oui, la fierté nationale se conjugue à la conscience aigüe des intérêts économiques bien compris.
La Suisse est un pays dont l'image est en elle-même une valeur économique.
Ecorner cette image (qui l'est déjà dans quelques domaines) revient à mettre en péril les spécificités helvétiques et tout ce qui en découle... la montre suisse, le couteau suisse, la banque suisse, le fromage suisse, l'honnêteté et la neutralité suisses.

Je précise que j'ai des origines suisses... et que j'y ai vécu.

---
Rien ne va de soi...

Algado


03/08/10, 11:37
(Modifié par Algado
le 03/08/10, 11:45)


@ Mnementh

Toujours le même procès

» Les persécutions religieuses à la suite de la révocation de l'Edit de
» Nantes avaient provoqué un exode d'industrieux protestants bien
» auparavant.
»
» La Révolution Française a certes entrainé quelques exils mais Breguet
» lui-même s'empressa de revenir en France dès qu'il en eut l'occasion.
» Aristocrates et religieux revinrent dans les fourgons de la Restauration.
» Bien peu d'horlogers parmi ces brillants esprits ?
» Il n'existe pas de retours industriels réussis et encore aujourd'hui
» L'Histoire de la Confédération n'est pas si calme et paisible que l'on
» veut bien le dire... Les Suisses ne furent-ils pas d'ailleurs parmi les
» meilleures troupes mercenaires d'une Europe ensanglantée.
» Oui mais pas en Suisse
» Revenons à la théorie "du complot"... Oui, la fierté nationale se conjugue
» à la conscience aigüe des intérêts économiques bien compris.
» La Suisse est un pays dont l'image est en elle-même une valeur
» économique.Dans les deux sens
» Ecorner cette image (qui l'est déjà dans quelques domaines) revient à
» mettre en péril les spécificités helvétiques et tout ce qui en découle...
» la montre suisse, le couteau suisse, la banque suisse, le fromage suisse,
» l'honnêteté et la neutralité suisses.
» Je crois simplement que l'histoire de N. Hayek montre bien que la Suisse et une "bonne terre". Personne n'achète une "invention suisse" mais une qualité suisse. Dans ce contexte, que Perlet soit légitime ou non ce sont surtout des montres de qualité; c'est en ce sent qu'il faut lire mon analyse.
» Je précise que j'ai des origines suisses... et que j'y ai vécu.C'est pas grave :)

joflo


03/08/10, 12:01

@ Algado

Toujours le même procès

Merci à Joeldetoulouse
Oui c’est une belle histoire, c’est un beau roman, et je pourrai en ajouter quelques pages, ça ne ferait qu’aggraver le cas…


A Mnementh
Calme…Zen…ce n’est qu’une petite histoire

A Algado
D’accord à 100% la qualité suisse est largement connue et méritée, justement, ce tout petit point d’histoire, devrait bien vite prendre sa place sans aucune conséquence et surtout pas commerciale, seuls un ou deux devront manger leur chapeau… ça ce digère

Tiens exceptionnellement je fais un lien vers mon site pour ceux qui n’ont pas encore vu le croquis que Sarton a déposé à l’Académie Française en décembre 1778
jojo

http://www.ancienne-horlogerie.com/

Mnementh

Autan en emporte le vent,
03/08/10, 12:18

@ joflo

Toujours le même procès

» A Mnementh
» Calme…Zen…ce n’est qu’une petite histoire


Elle est bien bonne... :lol:
C'est tellement vrai. :swiss:

---
Rien ne va de soi...

Mnementh

Autan en emporte le vent,
03/08/10, 12:20

@ Algado

Toujours le même procès

» Je précise que j'ai des origines suisses... et que j'y ai
» vécu.C'est pas grave :)

Ca marque bien quand même... :swiss:

---
Rien ne va de soi...

joflo


03/08/10, 19:07

@ Mnementh

Toujours le même procès

» » Je précise que j'ai des origines suisses... et que j'y ai
» » vécu.C'est pas grave :)
»
» Ca marque bien quand même... :swiss:

et moi qui ai la double nationalité, française et suisse, mais je ne m'en pas porte pas plus mal

joflo


13/08/10, 08:40

@ joflo

Toujours le même procès

Halgado nous a dit et je n'avais pas vu...

Personne n'achète une "invention suisse" mais une qualité suisse. Dans ce contexte, que Perlet soit légitime ou non ce sont surtout des montres de qualité; c'est en ce sent qu'il faut lire mon analyse.

Mille pour cent d'accord avec toi, mais alors à quoi sert la revendication faite partout concernnant la sois disant invention de Perrelet ?
merci
jojo

Mnementh

Autan en emporte le vent,
13/08/10, 12:37

@ joflo

Toujours le même procès

Le Père Joseph a écrit:
» Mille pour cent d'accord avec toi, mais alors à quoi sert la
» revendication faite partout concernnant la sois disant invention de Perrelet ?
» merci jojo


A vendre. :lol:

On a tous bien compris ça, je crois... ;-)

Anecdote vécue... le Dir.Fin. de ma boite s'est offert il y a quelques mois une Perrelet avec un look classique à la Breguet un peu. Quand je lui ai demandé la motivation du choix, dans l'ordre :

- C'est eux qui ont inventé la montre... (sic)

- Je l'ai eu à un prix "canon" (à 50% du RP et il en est super fier!)


Å :lookaround: Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette...

---
Rien ne va de soi...

joseph


04/05/15, 16:25

@ Ze White Rabbit

Le château de cartes de Perrelet SA

Je n'avais pas vu ce nouveau coup de patte de lapin blanc... la vérité historique ne s'en plaindra pas...merci
jojo

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